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des marchandises qui paient sur le chemin de fer dix fois moins qu’elles ne payaient par l’ancien roulage ; il est rare que la diminution ne soit pas du triple, et, si l’on prend Paris comme point d’arrivée et de départ, on observe que dans la plupart des cas la baisse du prix de transport pour les relations avec l’étranger représente un chiffre supérieur au montant des réductions de taxes douanières. Les voies ferrées tiennent donc le principal rôle dans la liberté des échanges, et il est indispensable qu’elles demeurent organisées de manière que les compagnies puissent pratiquer, ainsi qu’elles l’ont fait jusqu’ici, le système des larges diminutions de tarifs.

Par une singulière contradiction, cette économie procurée aux transports devient quelquefois un sujet de plaintes. On reproche aux compagnies de faire concurrence à la navigation du cabotage et aux canaux, de ruiner ces deux industries ou tout au moins de s’opposer à leur développement et d’enlever par conséquent au commerce des ressources qui lui seraient bien précieuses dans les périodes d’encombrement. Cette objection s’est produite en France et en Belgique lors de la dernière crise. À ce compte, si l’on ne prend en considération que les intérêts du cabotage et des canaux, il aurait fallu ne pas créer de chemins de fer, car ceux-ci devaient évidemment s’emparer d’une portion de la clientèle acquise aux anciens modes de transport. Il n’est point nécessaire de pousser le raisonnement à l’extrême. En fait, le cabotage n’a point disparu, les canaux continuent à faire circuler un très fort tonnage, et la concurrence qui s’est établie dès l’origine avec les voies ferrées a eu pour conséquence d’amener au profit du commerce des réductions de prix jusqu’au point où chacune de ces trois industries a pu mesurer les forces respectives et reconnaître en quelque sorte le domaine réservé à son exploitation. Les plaintes seraient fondées, si les compagnies de chemins de fer, usant ou plutôt abusant de la puissance de leurs capitaux, abaissaient brusquement leurs tarifs pour anéantir la concurrence d’un canal et les relevaient ensuite lorsque la ruine du canal serait consommée. Elles se défendent d’avoir jamais agi de la sorte, elles déclarent qu’elles ne relèvent pas les tarifs une fois abaissés, tandis que récemment les canaux ont profité des circonstances pour hausser dans une proportion assez forte l’échelle de leurs prix. Il appartient à la commission d’enquête d’examiner sur ce point les réclamations et les réponses. En tout cas, l’industrie et le commerce n’ont point à regretter les économies importantes qu’il est du devoir des chemins de fer de leur procurer, et de quelque manière que soient exploitées les voies ferrées, soit par l’état, soit par les compagnies, le résultat pour le cabotage et pour les canaux est absolument identique.

L’étude des faits et des documens si nombreux qui se rapportent