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compagnies, a signalé récemment en termes très vifs le mouvement de l’opinion publique en Angleterre sur cette question de la concurrence. Voici comment il s’exprime :


« Le système national de nos chemins de fer a été basé sur cette théorie, que l’industrie particulière créerait une concurrence avantageuse qui pourvoirait d’une manière satisfaisante aux besoins du trafic. Dans la pratique, chacun le sait, la théorie de la concurrence a tristement échoué, et les projets de fusion qui s’agitent ne sont que des tentatives pour en revenir au régime abandonné en 1844. Il n’est pas en notre pouvoir de réparer aujourd’hui le mal qui est résulté des combinaisons erronées de sir Robert Peel. Les millions ont été gaspillés, les convenances du public sacrifiées pour laisser le champ libre à la concurrence. Qu’y a gagné le public ? Nous laissons à la majorité impartiale des voyageurs et des expéditeurs le soin de répondre. Ce que les compagnies y ont gagné, les administrateurs de ces compagnies qui recherchent maintenant la paix et l’union nous l’ont fait assez connaître. La partie de la concurrence a été jouée, et nous pouvons affirmer sans exagération que tous les intéressés en ont assez… Ceux qui ont réclamé le plus bruyamment la liberté des entreprises de chemins de fer et la concurrence illimitée sont à peu près unanimes pour demander l’action commune, l’unité d’administration, et pour maudire la concurrence… La garantie de la concurrence, qui, pensait-on, aurait pour effet d’assurer l’économie des voyages et des transports, n’a été dans la pratique pour les voyageurs et le commerce qu’une protection inefficace… »


Il convient en effet de rappeler qu’en Angleterre, sous le régime de la concurrence, la moyenne du tarif des voyageurs et des marchandises a été toujours plus élevée qu’en France. Le Times, après avoir reconnu avec tant de franchise l’échec complet du système anglais, en est réduit à demander l’appui du parlement contre les abus du nouveau système de fusion. Il est permis de dire que le cahier des charges imposé aux compagnies françaises garantit au public une protection convenable. En même temps il laisse au gouvernement la faculté d’augmenter le nombre des lignes existantes et d’autoriser des prolongemens ou des embranchemens, de telle sorte que les besoins de transport pourront toujours recevoir satisfaction au moment convenable, sans prodigalité et sans parcimonie. Il n’y a pas une ligne nécessaire que l’on ne soit en mesure d’établir, soit au moyen des compagnies existantes, soit par la création de compagnies nouvelles.

Après avoir examiné l’argument de la concurrence au point de vue de l’intérêt public, il reste à juger la portée financière du