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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 97.djvu/889

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en présence d’un homme qui n’a rien voulu être qu’avocat et interprète du droit : c’est ce qui fait dans cette série de portraits la nouveauté et la singularité de sa figure. Isée semble au premier abord n’avoir cherché dans sa science et son talent que l’occasion de plaider beaucoup de procès, et par suite de gagner beaucoup d’argent ; mais, si l’argent sert à tout, il ne suffit à rien, et il est rare qu’un homme d’un vrai mérite s’en contente, qu’il en fasse le seul but de ses efforts et qu’il y trouve toute sa récompense. A y bien regarder, on reconnaît qu’Isée avait une vocation marquée pour le travail auquel il s’est consacré : il semble avoir pris un vif plaisir à comparer les lois, à en scruter, à en analyser les principes ; il paraît avoir voulu s’élever au-dessus de ses rivaux en pénétrant plus avant qu’aucun d’entre eux dans l’étude de la législation athénienne. Cet étranger a peut-être été l’homme qui a le mieux saisi l’esprit de ces lois que, métèque, il n’avait point qualité pour créer ou pour modifier par son suffrage.


I

Tout ce que nous apprend d’Isée le grammairien qui a composé les Vies des dix orateurs attiques tient en quelques lignes ; nous les citerons pour montrer que l’antiquité, au moment où elle commençait à recueillir ses souvenirs et à faire l’inventaire de ses richesses, n’en savait guère plus que nous sur un personnage dont les critiques aimaient à citer le nom entre celui de Lysias et celui de Démosthène. « Isée était Chalcidéen de naissance, mais il vint s’établir à Athènes. Élève d’Isocrate, il se rapprocha surtout de Lysias par l’exacte convenance des termes et par le talent avec lequel il expose une affaire ; il faut donc être un très fin connaisseur pour pouvoir dire d’un certain nombre de discours auquel de ces deux orateurs ils appartiennent. Il fleurit, comme on peut le juger d’après ses discours, après la guerre du Péloponèse, et son activité se prolongea jusqu’au règne de Philippe. Ayant quitté tout exprès son école, il fut le maître de Démosthène ; de là vint sa principale illustration. Il en est même qui prétendent que c’est lui qui a composé pour Démosthène les discours que celui-ci prononça dans son procès contre ses tuteurs. On a sous son nom soixante-quatre discours, dont cinquante sont authentiques, et un manuel de rhétorique. Le premier, il se mit à faire usage des figures et s’appliqua aux causes civiles ; c’est par ces côtés que relève surtout de lui Démosthène. Le comique Théopompe fait mention de lui dans son Thésée. » Denys d’Halicarnasse, si bien instruit en général de tout ce qui touche aux orateurs attiques, confesse aussi son ignorance ; à ces indications si vagues et si sèches, il n’ajoute qu’un seul