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microscope de courbées ou de repliées, il en conclut qu’elles sont d’une matière qui a beaucoup de solidité. L’art des fabricans de perles fausses consiste à recueillir grossièrement ces lames sur un poisson où elles se détachent facilement, et à en faire avec la colle une pâte désignée sous le nom pompeux d’essence d’Orient. On en garnit l’intérieur de boules de verre pour leur donner ce que Ronsard nomme d’un si pittoresque langage « la blancheur naïve des perles. »


III

Le succès des idées de M. Darwin devait appeler l’attention des naturalistes sur la distribution des couleurs dans le règne animal, et nous allons voir, que les lois de cette distribution, conduisent à leur tour à des inductions toutes nouvelles sur les phénomènes les plus intimes de la sensibilité chez les animaux.

On n’a pas manqué de remarquer que les animaux sans défense, comme les lièvres, les daims, les chevreuils, avaient eux-mêmes la nuance la plus favorable à les dissimuler dans la profondeur du bois et l’étendue de la plaine. Quand les milices anglaises s’organisèrent et qu’on rechercha le costume le moins voyant pour habiller les éclaireurs en campagne, on avait tout d’abord pensé au vert ; mais les Anglais, — en gens pratiques qu’ils sont, — commencèrent, avant de rien décider, par faire des expériences sérieuses. On mit à distance dans les forêts et les prairies des soldats vêtus d’étoffes diverses, et on chercha celle qui dissimulait le mieux son homme. Contre toute attente, ce fut non point le vert, mais une nuance approchant celle des biches et des daims, que la nature semble, n’avoir ainsi habillés que pour leur permettre de mieux échapper à l’œil de leurs ennemis. Chez les quadrupèdes, la couleur favorise la défense ; les grands chasseurs, tels que le tigre, le léopard, le jaguar, la panthère, ont une parure d’un certain éclat que l’homme a de tout temps recherchée pour lui-même. Les plus anciens tombeaux égyptiens nous montrent dans leurs peintures les nègres du Soudan avec les hanches ceintes de ces belles peaux de bêtes fauves dont il se fait encore un grand commerce. Au contraire chez les oiseaux, et l’on peut ajouter chez les poissons, la couleur semble favoriser l’attaque. Tous les oiseaux carnassiers qui se nourrissent de petits mammifères ou d’autres oiseaux, ou de poissons, tous les écumeurs de mer de la famille des requins, ont des couleurs ternes, comme pour être moins vus de leurs victimes.

L’œil des vertébrés, c’est-à-dire des mammifères, des oiseaux, des reptiles et des poissons, voit probablement le monde extérieur sous les mêmes apparences que nous. Tout prouve qu’il est affecté