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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 97.djvu/978

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dant, la Suisse française a été respectée. Les victoires prussiennes ont grisé les cantons allemands, et l’équilibre menace de se rompre en Suisse comme il a été rompu en Europe. On a pris à M. de Bismarck les deux mots d’ordre de sa politique : centralisation et croisade contre l’ultramontanisme. C’est peut-être de la grande politique à la nouvelle mode de Berlin, ce n’est point à coup sûr la politique de la vraie liberté. Par malheur, ce n’est pas seulement en Suisse que cette contagion du germanisme s’étend, elle gagne la Hollande, la Belgique, où une propagande active redouble d’efforts pour atteindre ce qui reste de l’influence française. Il y a certainement aussi peu de prévoyance que de justice dans ces tristes efforts. Quels sont en effet ces pays qu’on prétend détacher de la France ? Ce sont justement ceux qui auraient tout à craindre de la prépondérance définitive de l’Allemagne, qui, par leur situation, par leurs intérêts et leurs traditions, ne peuvent trouver que des garanties dans une France reconstituée, libéralement gouvernée. Qu’on profite aujourd’hui contre nous d’une circonstance malheureuse, c’est possible ; il y a en politique des affinités naturelles plus fortes que les haines vulgaires et les ambitions intéressées. C’est à la France de faire ce qu’elle doit pour faire revivre ce sentiment de solidarité chez tous ceux dont elle a été quelquefois l’alliée et jamais l’ennemie.

Loin, bien loin de cette scène agitée de la politique où se déroulent et se succèdent tant de tristes choses, vient de s’éteindre un homme d’élite dont la frêle et délicate organisation n’a pu résister aux épreuves de ces deux dernières années. Le père Gratry est mort tout récemment en Suisse, à Montreux, où il était allé chercher la santé et où il n’a trouvé que la fin de ses souffrances. Intelligence enthousiaste et instruite, nature sensible et vive, mélange de philosophe et de prêtre, d’artiste et de géomètre, le père Gratry avait tout ce qui peut attirer et séduire jusque dans les dissidences de l’esprit. Il laisse de nombreux ouvrages, des traités de philosophie, des conférences, des méditations de toute sorte. On peut discuter les théories, on peut même ne pas les admettre ; mais dans ces pages ardentes et colorées, où l’imagination venait en aide à la science, il y avait une âme élevée et chaleureuse. C’est assez pour laisser une mémoire aimée et respectée à ses contemporains.

CH. DE MAZADE.


Paléontologie française. — Plantes jurassiques, par M. le comte de Saporta, chez G. Masson ; 1872

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Tandis que les paléontologues travaillent à rétablir morceau par morceau les squelettes de quadrupèdes d’espèces perdues, les botanistes ne se livrent pas à des restaurations moins curieuses ; ici ils observent une tige pétrifiée, là des feuilles, plus loin des fleurs ou des fruits, si bien qu’ils commencent à avoir une idée exacte de plusieurs plantes aujour-