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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/142

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I

Nous nous occuperons uniquement des faits politiques qui révèlent le plan de la réaction ultramontaine, en laissant de côté les exagérations de la presse cléricale, parce qu’elles ne renferment rien de nouveau ; elles ont pourtant cette gravité exceptionnelle, que nos zelanti représentent une cause victorieuse, et qu’il est devenu difficile de les discuter, les exagérés de la presse religieuse étant à cette heure les chefs reconnus et autorisés non d’un parti, mais d’une église. Toute la vie politique de la France est absorbée depuis un an dans l’assemblée nationale. Pour que la réaction ultramontaine soit possible, il faut qu’elle trouve quelques points d’appui et quelques encouragemens à Versailles. Élue dans un moment où le pays se débattait dans une sorte d’agonie et cherchait à échapper à ce mélange d’anarchie et de dictature qui avait marqué les derniers mois de la guerre, l’assemblée répondait à un profond besoin de réparation et d’ordre. La province, surmenée, harassée par une lutte inégale et les horreurs de l’invasion, fit des élections essentiellement conservatrices, surtout dans les départemens envahis. Au mois de février 1871, elle remonta souvent au-delà de 1830, et l’on vit reparaître bien des débris de l’ancienne noblesse. Hommes de courage et d’honneur, ils avaient largement payé leur dette à la patrie dans une guerre qu’ils avaient condamnée. Le parti légitimiste avait encore un grand mérite, c’était son aversion pour l’empire, qu’il avait toujours combattu. Il apportait à la nouvelle assemblée un patriotisme ardent, une indépendance mêlée d’un peu de fierté ; mais il ne pouvait laisser là ses préjugés, qui étaient surtout tenaces dans la question religieuse. On comprend que la tentation fût grande pour les ultramontains, qui avaient une telle carte dans leur jeu, déjouer une grande partie politique. Aussi n’ont-ils pas manqué de l’engager sur le terrain parlementaire ; heureusement le sentiment élevé que l’assemblée a toujours gardé de sa responsabilité au milieu de nos périls a constamment entravé ces détestables calculs, et l’a sauvée elle-même des entraînemens extrêmes.

La terrible crise où la France fut jetée par la guerre civile fournit une première occasion à l’assemblée nationale de se prononcer sur une question religieuse. M. Cazenove de Pradine proposa de demander des prières publiques dans toute la France. Rien n’était plus respectable que le sentiment qui avait inspiré cette proposition ; elle n’en était pas moins une dérogation aux principes modernes.