Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/210

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son poisson en attendant les bons jours de vente, observant les mœurs des bêtes et les apprivoisant. On le voyait, avec un congre énorme dans les bras, indiquer au monstre docile les mouvemens qu’il devait faire. La présence d’un auxiliaire aussi entendu avait décidé le choix de Concarneau pour y construire des viviers laboratoires (1859). M. Gerbe, fit les plans, donna les indications, surveilla l’exécution. L’établissement s’élève au bord de la mer, presque dans la mer ; le bâtiment, haut d’un seul étage du côté de la ville, en a deux sur les bassins ; il est d’apparence fort simple, comme il convient ; la porte, les fenêtres, les encoignures, relevées de granit, attestent cependant la ferme volonté de créer là une institution durable. Sur le devant, deux étages dominent les viviers, au nombre de huit, où le flot entre et d’où il sort à chaque marée. Ils sont creusés dans la roche, à ciel ouvert, séparés de la mer par un mur insubmersible, et de dimensions différentes ; ils ont de 40 à 100 mètres carrés de superficie. De larges trottoirs les séparent, où l’on peut circuler autour de chaque bassin. Des ponts volans établis sur des planches permettent d’observer, sans troubler leurs ébats, les mœurs des animaux qu’on y enferme. Dans un de ces bassins, quartier des bêtes féroces, on nourrit des congres, des anges, des baudroies, et les autres grands destructeurs qui hantent la côte. Le plus curieux spectacle est celui que donnent les turbots : le turbot, — ce qu’on ignorait avant l’existence de ces viviers, — est un animal rustique, facile à élever, à nourrir, à engraisser en captivité. Les petits, qu’on tient à part pour qu’ils ne soient pas dévorés par les autres, viennent manger à la main avec une amusante gloutonnerie, et les gros arrivent en foule dès qu’on leur jette la nourriture. Plus loin, les homards, les langoustes, plus calmes et d’appétit moins vorace, attendent qu’on les emballe tout vivans pour les marchés lointains de la France, de la Belgique et de l’Allemagne.

Dans le bâtiment, un aquarium sans aucun luxe, mais bien pourvu d’eau courante, avec des bacs et des auges de toute dimension, reçoit les animaux de petite taille et ceux dont on observe le développement. Ces derniers, mis en cellule, grandissent sous l’œil du naturaliste : on a pu ainsi mesurer la lenteur du développement de certaine espèce dont on ne savait rien. Ailleurs des embryons se forment dans leurs œufs en laissant voir toutes les phases de leur évolution, ou bien ce sont des bêtes mutilées par l’expérimentateur, dont les membres coupés repoussent par une sorte d’embryogénie partielle, qui a plus d’une fois éclairé celle de l’être entier. Des salles de dissection pour les gros animaux occupent avec l’aquarium tout le rez-de-chaussée ; au premier étage sont des laboratoires