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société ; ce sont généralement des gens simples et pauvres, attirés par l’assistance que les missions peuvent leur prêter et par l’espoir d’appartenir à ces petites communautés dont ils voient les membres se soutenir mutuellement sous la direction d’un étranger respecté de tous pour l’austérité de sa vie.

La discipline religieuse exerce d’ailleurs une heureuse influence sur le caractère des Chinois convertis ; il serait injuste de les juger d’après ces vagabonds que l’on rencontre dans les ports s’offrant à exercer tous les métiers, et cherchant à imposer la confiance en prodiguant le signe de la croix. Nous avons visité dans les campagnes de la Chine quelques communautés chrétiennes, nous les avons vues composées de gens paisibles, sobres, hospitaliers. L’étranger y est reçu en ami, tandis qu’ailleurs il rencontre souvent la défiance ou même la répulsion. Dans certaines provinces, des villages entiers sont chrétiens ; la maison commune qui sert aux réunions des paysans, et dans laquelle ils déposent les tablettes de leurs ancêtres, est remplacée par une pauvre chapelle qu’un missionnaire habite, ou qu’il visite de temps à autre. Son troupeau l’appelle père, et le prend en toutes choses pour arbitre ou pour guide ; il règle les différends, il allie les familles entre elles, il surveille l’administration des modestes finances de la communauté. Faut-il s’étonner si, pour la défense des intérêts qui s’abritent sous son apostolat, il se laisse aller à une intervention qui méconnaît les droits de l’autorité locale ? On le voit, disent les mandarins, déployer son influence dans des procès civils entre chrétiens et non-chrétiens, soutenir ses néophytes contre le paiement des taxes, contre l’exécution des corvées que ceux-ci trouvent injustes. Les missionnaires affirment qu’une de leurs principales difficultés est précisément de résister aux demandes des fidèles qui ne cessent de solliciter leur intervention. D’un autre côté, peut-on donner tort au gouvernement chinois lorsqu’il se plaint de ces empiétemens ?

Parmi les faits que la circulaire impute aux missions, le plus grave est celui-ci : des bandits auraient échappé à l’action des lois en se convertissant à la religion catholique. On allègue par exemple qu’à Kouei-tchéou toute une bande de voleurs a été admise à recevoir le baptême ; qu’on l’eût ensuite arrêtée, ajoute la circulaire, c’eût été une persécution catholique. Faut-il voir dans ces voleurs des rebelles ou plutôt des individus appartenant aux Miao-sze, tribus aborigènes que le gouvernement chinois travaille depuis bien des années à soumettre et même à écraser complètement ? Quoi qu’il en soit, le missionnaire est naturellement porté à ne voir que des néophytes dans ces hommes qui pour le gouvernement sont des ennemis ou des coupables.

On a vu que les Chinois contestaient aux missionnaires le droit