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moindre qu’en temps normal ; comme compensation, on a les heures supplémentaires, qui sont surtout nombreuses dans les industries où la mode prévaut et où les commandes affluent, c’est-à-dire précisément dans celles où les chômages périodiques et forcés durent le plus. Cette compensation entre les heures supplémentaires et la morte saison est encore loin d’être complète : il reste un déficit, à combien l’estimer ? Pour une morte saison de trois mois, si l’on tient compte de toutes les circonstances, on fait la part large à la misère en retranchant du salaire annuel trente journées de travail. Ainsi, pour l’ouvrière parisienne qui gagne 2 francs par jour, il faudrait calculer 280 journées de travail par an, et, si on fait entrer la maladie en ligne de compte, 270 journées productives seulement, ce qui donnerait une rémunération annuelle de 5ù0 francs. Une somme de 540 francs qui tombe dans un ménage déjà soutenu par le salaire du mari peut y apporter l’aisance ; mais quand avec ces maigres ressources une femme seule, fille ou veuve, doit suffire à tous ses besoins dans une ville comme Paris, que de privations, que de qualités domestiques, que d’efforts sur soi-même un budget aussi réduit n’impose-t-il pas !


II

On a pu voir combien est précaire la destinée d’un grand nombre de femmes dans notre société si riche et si laborieuse. Examinons quelques-uns des moyens qui s’offrent pour secourir ces infortunes. Parmi les causes de la dépréciation du salaire des ouvrières, il y en a deux d’une incontestable évidence : c’est d’abord que les carrières qui sont ouvertes aux femmes par le fait des traditions et des mœurs sont peu nombreuses ; c’est ensuite que, dans les branches d’industrie où elles ont accès, le défaut de connaissances et d’habileté professionnelle les condamne aux ouvrages les plus grossiers et les plus rudimentaires. Leur champ d’emploi est très limité, et elles sont peu capables de l’exploiter avec fruit. Leur triste situation a pour origine, d’un côté, certaines préventions qui commencent à s’affaiblir, d’un autre côté les lacunes mêmes de l’éducation des femmes. A cet état de choses, il y a un remède d’une efficacité sûre, mais d’une application lente : l’instruction.

Au point de vue économique, la femme, qui est une force matérielle presque nulle, et dont les bras sont avantageusement remplacés par la moindre machine, ne peut avoir d’utilité notable que par le développement des qualités de son intelligence. C’est l’inexorable loi de notre civilisation, c’est le principe et la formule même du progrès social, que l’accomplissement par des engins mécaniques de toutes les opérations du travail humain qui ne relèvent