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inexpérience se montrait-elle si habile ? Enfin l’on remarquait qu’un certain nombre d’ingénieurs sortis de l’École centrale avec le diplôme de métallurgiste ou de chimiste avaient facilement changé de carrière pour diriger avec succès des exploitations agricoles. En présence de ces indices multipliés, il était impossible de résister à l’évidence. Chacun devait être convaincu que l’agriculture et l’industrie procèdent de la même source, que tout ce qui est travail, c’est-à-dire tout ce qui exige l’effort de l’intelligence humaine, s’éclaire au même rayon, et que cette source unique, ce commun rayon, c’est la science. La cause de la théorie et du haut enseignement était gagnée. D’abord l’agriculture s’était faite industrielle ; ensuite, à l’exemple de l’industrie, elle est devenue scientifique. Telles ont été les phases logiques et rapides de cette évolution, à la fin de laquelle l’agriculture a senti la nécessité d’avoir, comme l’industrie, un corps d’ingénieurs. En outre il n’est pas absolument indispensable que ces ingénieurs soient formés et instruits au milieu des champs, ni que les chaires d’enseignement soient placées dans une étable ; l’école peut même s’épargner le séjour à Versailles, concession faite aux préjugés du temps ; professeurs et élèves n’ont qu’à s’installer bravement à Paris, car le véritable siège de l’école est là où réside la science, et, par suite d’une prédilection contre laquelle il est inutile de lutter, la science aime à se concentrer dans ces grands foyers qui s’appellent les capitales.

Ainsi se vérifie de la manière la plus complète la pensée qui inspirait les fondateurs de l’École centrale lorsqu’ils rédigeaient, en 1829, leur programme d’enseignement industriel, fondé sur la théorie. Le même principe convient à l’enseignement de l’agriculture. « Il n’existe pas, dit M. Dumas, de mécanique, de physique, de chimie ni d’histoire naturelle agricoles. Celui qui possède les vrais sentimens de ces sciences les applique à l’agriculture aussi bien qu’à l’industrie, et descend des principes aux faits particuliers. Celui qui en ignore les règles et les méthodes remonte difficilement, au contraire, des faits qu’il ne sait pas voir à des principes qu’il ne connaît pas et qu’il serait obligé de découvrir ou d’inventer[1]. » Par conséquent, avec la science et la méthode, telles qu’elles sont professées à l’École centrale, on peut instruire des ingénieurs agricoles aussi bien que des ingénieurs industriels. Pour

  1. M. Damas a publié la note qu’il avait adressée à M. le ministre de l’agriculture et du commerce, au nom du conseil de perfectionnement de l’École centrale, pour proposer l’organisation de l’enseignement agricole. Dans ce travail, l’illustre secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences a exposé les principes et la méthode du nouvel enseignement. Il y a là, en quelques pages, tout un programme de science et d’études qui se recommande à l’attention publique.