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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 mai 1872.

Quand on se souvient de ce qu’a été un instant la France au lendemain de la guerre, et quand on rapproche de ce passé d’hier la marche des choses d’aujourd’hui, on se reprend sans effort à l’espoir et à la confiance. Depuis quinze mois, quoi qu’on en dise, le temps n’a point été perdu. Cette assemblée et ce gouvernement qui sont nés à une des heures les plus sombres de notre histoire, et qui, après avoir été chargés à l’improviste du sauvetage d’une grande nation livrée à la plus furieuse tempête, sont maintenant en paix à Versailles, cette assemblée et ce gouvernement n’ont point été au-dessous de la tâche que les circonstances leur imposaient. On ne s’est pas débrouillé en un jour, on n’a pas fait tout ce qu’on aurait pu faire, il est vrai, et même, si l’on veut, dans cette œuvre laborieuse qu’on a dû entreprendre d’un commun accord, qu’on poursuit ensemble, il y a eu souvent, il y a encore des tiraillemens, des luttes intimes, des impatiences de partis, des méprises, des confusions. C’est l’effet inévitable des passions des hommes dans ces périodes douloureusement obscures où le plus difficile est de connaître son devoir. Somme toute, le patriotisme est resté le maître, l’inspirateur dominant et souverain dans les momens critiques, et après ces quinze mois la France, telle qu’elle apparaît particulièrement aujourd’hui, la France offre un spectacle qui n’est point peut-être sans quelque noblesse, le spectacle d’une nation qui, à peine revenue de ses terribles surprises, accepte les dures leçons du malheur, s’interroge courageusement elle-même, expose sans crainte au grand jour ses fautes, ses faiblesses, ses erreurs, pour remonter aux causes de ses désastres.

Non, assurément tout n’est pas fait encore, l’œuvre de réparation et de reconstruction n’est même pas très avancée, tous les mauvais pas et tous les écueils ne sont point franchis ; on est du moins sur la bonne voie, on se remet en marche d’un cœur plus tranquille et plus ferme, et c’est