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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/464

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blique n’est point assurément homme à se raidir contre certaines nécessités, pas plus qu’il n’est homme à tenter de gouverner sans l’assemblée ou contre l’assemblée. Sait-on ce qui vaudrait infiniment mieux que toutes les tactiques ? Ce serait que de ce travail des opinions il sortît à la fin une majorité se ralliant, sans parti-pris, sans préjugés, même si l’on veut sans trop de prétentions à l’habileté, à ce programme primitif de réorganisation nationale que M. le général Chanzy développait l’autre jour dans un discours qui, en son genre, a été comme le pendant du discours de M. le duc d’Audiffret-Pasquier, qui a été, lui aussi, un événement dans ces dernières semaines. Le général Chanzy prenait possession de la présidence des réunions du centre gauche, qui lui a été récemment conférée, et il a saisi cette occasion de dire à son tour son opinion sur les affaires du moment ; il a parlé simplement, sincèrement, avec une loyauté persuasive et d’un accent où une certaine inexpérience ne fait peut-être que rehausser l’inspiration patriotique.

L’ancien commandant de la deuxième armée de la Loire, arrivé au parlement avec la réputation d’un vaillant et énergique soldat, s’était tenu jusqu’ici dans une grande réserve, et il en dit naïvement la raison. Tous les autres députés pouvaient avoir une politique et leur place dans un parti déterminé ; lui, il n’était d’aucun parti et n’avait point de politique arrêtée. Il avait jusque-là vécu dans les camps, uniquement occupé de servir le pays. S’il s’était formé à Bordeaux un gouvernement définitif, se proposant avant tout de relever la France, il ne cache pas qu’il aurait été le serviteur fidèle de ce gouvernement. On l’a cru hésitant quelquefois, il ne l’était pas ; il étudiait, il observait la marche des choses, n’ayant plus sans doute à se fixer sur certains points essentiels qui dominent tout, mais attendant sur d’autres joints que la réflexion décidât de ses résolutions. Il s’est prononcé aujourd’hui avec une netteté et une franchise qui ont frappé tout le monde, qui ne laissent pas de faire au brillant chef militaire une place élevée dans les affaires publiques. Nous ne savons pas si le général Chanzy est un habile tacticien parlementaire ou un chef de parti, c’est dans tous les cas un homme qui sait choisir son terrain, et qui voit les choses avec une ferme droiture. Le général Chanzy a réussi d’un seul coup, comme M. d’Audiffret, parce qu’il a dit à sa manière le mot de la situation. Sa politique, à vrai dire, est bien simple ; elle est celle de beaucoup d’hommes qui n’écoutent que leur instinct et leur patriotisme : « réorganisation du pays par des institutions libérales et essai loyal de la république conservatrice, la constitution à donner à la France étant réservée. » Voilà le résumé : la république des « gens de cœur, » bien entendu, non celle « des envieux, des énergumènes ou des déclassés qui ne se laissent guider que par la convoitise, les utopies les plus insensées ou la haine qu’ils portent à la société. » Une politique s’efforçant d’obtenir avant tout « l’apaisement dans les esprits, le calme dans les jugemens, la vérité dans