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salutaire et fortifiante des considérations de bien public. Au lieu d’avoir toujours l’air de laisser une porte ouverte à l’esprit de division et aux tactiques de parti, qu’on mette au-dessus de tout cette réorganisation nationale dont on s’est fait justement un programme dans une sorte de mouvement instinctif sous la première impression des malheurs qui ont accablé la France. À chaque heure son travail et sa peine : un jour la loi militaire, sur laquelle M. Thiers se laissera convaincre parce qu’il sait bien qu’il y a des instans où l’on n’a pas raison contre tout le monde, — un autre jour les finances et le système d’impôts, qui restent encore en suspens ; puis c’est ce conseil d’état qu’on doit constituer, non sous l’influence de petits calculs du moment, mais tel qu’il doit être pour remplir utilement son rôle ; puis c’est la réforme administrative, allant de la loi sur les conseils-généraux, qui est déjà votée, à l’organisation municipale. A toutes les heures, c’est l’ordre moral et matériel à défendre ou à raffermir. De cette manière, ce n’est pas seulement le présent qu’on garantit et qu’on sauvegarde, c’est l’avenir qu’on prépare. Si on le veut en effet, si on agit ainsi, on peut arriver sans secousse et sans trouble au point décisif où la transition s’accomplira en quelque sorte naturellement, où le régime définitif qu’on adoptera ne sera que le couronnement d’une reconstitution nationale patriotiquement élaborée. Si c’est la monarchie qui reparaît à l’appel du pays lui-même, il y a des républicains qui n’y auront pas nui, convenez-en. Si c’est la république qui reste notre régime définitif, c’est qu’elle aura fait ses preuves comme institution régulière et protectrice, c’est qu’elle aura montré, non par des paroles retentissantes et vides comme celles de M. Gambetta, mais par des faits, qu’elle est compatible avec la grandeur nationale, c’est qu’elle aura triomphé de beaucoup de ses partisans eux-mêmes ; jusque-là, le mieux serait d’éviter les divisions qui ne font qu’affaiblir tout le monde, les dithyrambes qui ne servent à rien, et surtout de se souvenir que, si la république a tant de peine à s’établir, elle ne peut s’en prendre qu’à ces séides qui, pendant les années de calme et de prospérité que la monarchie constitutionnelle a faites à notre patrie, se sont ingéniés à faire de ce mot de république un synonyme d’agitation et de convulsion stérile. Ce qu’il y a de plus curieux, c’est l’hostilité particulière de certains républicains contre ceux dont le nom rappelle ces brillantes années du régime constitutionnel, contre les princes d’Orléans. Que font-ils et que sont-ils cependant ces princes ? M. Ch. Yriarte vient de retracer dans un livre ingénieux et juste toutes ces physionomies séduisantes. Ce sont des soldats, des écrivains, des députés, qui s’intéressent à toutes les affaires de la France, qui n’ont jamais songé à troubler leur pays, et dont la virile joie a été de revenir confondre leur fortune avec celle de leur patrie malheureuse. Le général Chanzy, en parlant l’autre jour du danger des divisions, montrait à la France l’exemple des nations qui se déchirent elles-