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monde politique et économique, et dont l’histoire offre la preuve mieux que les enseignemens abstraits de la pure théorie.

Une des lois le mieux mises en relief par l’auteur, de cette étude sur ce qu’on peut nommer l’économie politique romaine de l’impôt, c’est la nécessité du contrôle en matière d’administration financière. En dehors de cette condition, il n’y a pas plus à attendre de prospérité durable que d’ordre réel, car on ne saurait donner le nom d’ordre à un agencement, si habile et industrieux qu’il puisse être, de ressorts heureusement concertés, non plus qu’à l’accident favorable d’un despote éclairé, administrant de son mieux, mais en définitive impuissant à changer le système établi. Cela vaut-il dire qu’étant donné l’état du monde, l’empire romain pût avoir telle chose qu’une cour des comptes, surtout qu’une chambre des députés, discutant et votant librement l’impôt ? Non assurément ; mais c’est là précisément ce qui rend la leçon décisive. C’est l’absence ou, pour mieux dire, c’est cette impossibilité du contrôle qui donne en partie la clé de tant de désordres, d’abus, d’exactions.

Ce qu’on admire, c’est qu’avec des conditions si propres à favoriser l’arbitraire, l’administration financière ait pu être en somme ce qu’elle a été. On ne pourrait citer un pareil exemple de méthode dans le despotisme. Combien de rouages mis en jeu que l’auteur compte, décrit, démonte pour ainsi dire avec un soin exact et presque minutieux ! Quelle hiérarchie savamment étagée que celle dont il nous fait parcourir les degrés, depuis les derniers collecteurs jusqu’au comte des largesses sacrées et au comte de la chose privée, deux ministres des finances placés l’un à côté de l’autre, et malgré leurs attributions diverses assez fréquemment en lutte ! mais surtout comme on y voit se déployer en matière de taxes une fertilité inventive ! Que n’a pas exploité ce génie fiscal, avisé à l’excès ! Il a tout imposé, le vice et la débauche comme les matières les plus immondes : inventions honteuses devant lesquelles reculerait la fiscalité moderne dans ses besoins les plus extrêmes. En fait de taxes, on demande ce que les Romains nous ont laissé à découvrir, si ce n’est peut-être celle du timbre.

Plus encore que le contrôle, l’idée morale manque au système financier dans cette longue période si remplie d’enseignemens. L’idée même de l’impôt ne paraît s’y rattacher à aucune conception sociale ou politique. On ne songe guère à y voir une dette, sacrée autant que toute autre, payée par les citoyens pour maintenir avec l’état les conditions de l’ordre social. On ne se demande point si cette dette ne doit pas être exigée suivant certaines règles d’équité et avec certains ménagemens, et si l’état, qui perçoit ces taxes, ne doit pas à son tour assurer certains avantages en échange. Il semble qu’on n’ait pas soupçonné ou mis en ligne de compte cette espèce de contrat caché au fond de la notion de. l’impôt, réduite ici à l’idée brutale d’un pur et simple tribut. Le fait même, que Rome est exempte de l’impôt et que les provinces seules le