Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/496

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

suffisamment expié les fanfaronnades des blouses blanches et l’enthousiasme factice des premiers jours. Elle ne se battait plus pour conquérir les provinces rhénanes ou faire une partie de plaisir jusqu’à Berlin ; elle luttait évidemment pour son existence même. De leur côté, les Allemands, qui prétendaient n’en vouloir qu’à l’empire, et qui, pour énerver la résistance, avaient adressé, en entrant dans notre pays, d’hypocrites protestations d’amour à la nation française, laissaient voir tous les sentimens de haine et d’avidité qui les animaient. C’était la Prusse qui menaçait l’ordre européen, c’était la France qui s’épuisait pour le défendre. Il semblait donc que l’Angleterre dût oublier un malentendu passager pour nous aider à obtenir une paix équitable, aussi conforme à ses intérêts qu’aux nôtres, et aussi nécessaire à l’équilibre européen qu’indispensable à l’honneur français.

Il n’en fut rien. Nos malheurs, au lieu de la rapprocher de nous, semblèrent l’éloigner davantage ; elle parut s’étudier à nous témoigner encore plus de froideur. Le nouveau gouvernement, qui avait ramassé le pesant héritage de l’empire, et qui succombait sous ce triste fardeau, s’adressait à elle avec confiance. Elle lui montra une réserve et une sécheresse qui ne lui laissèrent bientôt aucune illusion. Dès le milieu de septembre, après les premiers pourparlers, les hommes d’état de la défense nationale durent savoir à quoi s’en tenir sur les dispositions de l’Angleterre. Il n’est pas douteux que cette triste certitude n’ait dû exercer une grande influence sur les résolutions désespérées de guerre à outrance dont l’abandon de l’Angleterre était en partie la cause, et où elle trouvait un nouveau prétexte pour nous refuser son appui.

Tout en poussant la France aux derniers efforts, le gouvernement de la défense nationale ne cessa pas un seul instant de négocier auprès des neutres. L’empire s’était jeté dans la mêlée sans une alliance, sans un appui sérieux, au milieu de nations secrètement amies de la France, mais éloignées d’elle par ses propres fautes. Malgré des difficultés presque insurmontables, nos diplomates sentirent que, dans la triste situation du pays, leur amour-propre ne devait se laisser rebuter par aucun échec. On sait aujourd’hui avec quel zèle patient et infatigable M. Jules Favre, ministre des affaires étrangères, M. Thiers, envoyé extraordinaire auprès des cours de l’Europe, M. de Chaudordy, délégué du ministère à Tours, ont insisté pendant quatre mois auprès de l’Angleterre et des autres puissances neutres pour leur arracher, soit une intervention quelconque, soit un simple mot de sympathie dont on pût se prévaloir envers la Prusse. Toujours repoussées, leurs demandes d’assistance prirent toutes les formes possibles, même les plus modestes : médiation armée, médiation pacifique, intervention officieuse, garantissant un