Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/627

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

restituât de mauvaises créances ou des terres épuisées, des vergers dévastés, des bois coupés à blanc. Dans sa sollicitude pour les intérêts des pupilles, la loi athénienne s’était préoccupée d’éviter ce danger. L’archonte, sous peine de s’exposer à se voir plus tard pris à partie devant un tribunal, ne devait adjuger la ferme des biens qu’à une personne dont la fortune et le crédit parussent solidement établis. Ce n’était pas tout, il fallait se ménager le moyen de tirer, le cas échéant, parti de ces sûretés. L’archonte stipulait donc au nom des mineurs une garantie hypothécaire qui fût équivalente à la valeur du patrimoine donné à bail. Il avait à voir que l’on ne se contentât point d’un simple échange de paroles, mais que l’inscription, comme nous dirions, fût réellement prise. Bien avant Rome, qui ne fit jamais que la suivre de loin sur ce terrain, Athènes avait conçu et réalisé cette forme du contrat de gage qui a justement gardé dans les langues modernes un nom tiré du grec, l’hypothèque ; mais elle alla plus loin, et, ce que Rome ne sut jamais faire, elle réussit à organiser la publicité de l’hypothèque. A Rome, l’hypothèque frappe l’immeuble en quelque sorte clandestinement ; « à Athènes au contraire les tiers doivent être avertis de l’existence du droit réel qui diminue la valeur de la chose, et qui pourra s’exercer à l’encontre de tous les possesseurs quels qu’ils soient. Voici en quoi consistait cet avertissement : sur le fonds hypothéqué, le créancier faisait placer une borne ; sur la maison grevée du droit réel, il faisait appliquer une table de pierre. La borne et la tablette contenaient toutes les indications nécessaires pour renseigner les tiers sur la plus ou moins grande solvabilité de l’immeuble. On y lisait, quand les énonciations étaient complètes[1], d’abord le nom de l’archonte pendant la magistrature duquel la dette avait été contractée, afin de pouvoir déterminer exactement le rang des diverses créances. Puis venait le nom du créancier, près duquel les intéressés allaient chercher tous les renseignemens dont ils pouvaient avoir besoin. Enfin, en dernier lieu, se trouvait le chiffre de la créance garantie par l’hypothèque[2]. »

Que ce système présentât quelques dangers, on ne saurait le nier ; rien ne peut remplacer en pareille matière un magistrat ayant pour mission de constater sur des registres officiels l’établissement

  1. Peu de stèles contiennent à la fois toutes ces indications ; dans beaucoup, l’inscription parait avoir été écourtée, comme pour aller plus vite. Tantôt c’est le nom de l’archonte qui manque, tantôt le chiffre de la somme due, mais l’origine de la créance est toujours rappelée.
  2. Nous avons emprunté cet exposé du mécanisme de l’hypothèque athénienne à une curieuse étude de M. Caillemer, professeur à la faculté de droit de Grenoble, sur ce chapitre si peu connu du droit attique. Elle a pour titre : le Crédit foncier à Athènes. On y trouvera citées plusieurs des inscriptions de ces bornes, inscriptions dont le nombre s’accroît d’année en année par de nouvelles découvertes.