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qui poussent à une alliance avec la Prusse par une étroite et inintelligente antipathie contre la France. M. Visconti-Venosta a eu plus d’une fois dans ces derniers temps l’occasion de manifester ses idées. Sans doute ce qu’il veut avant tout pour l’Italie, c’est une politique indépendante ; mais cette indépendance même est ce qui peut le mieux servir à rapprocher l’Italie de la France par l’affinité des intérêts et des traditions. Le ministère ne l’ignore pas, il sent le prix de l’alliance française, et en cela il représente la majorité du pays et du parlement. Ceux de nos compatriotes qui sont toujours portés à se figurer que nos amis ou nos alliés à l’étranger sont les partis démocratiques, révolutionnaires, n’ont qu’à voir ce qui se passe en Italie. C’est la gauche, à Rome, qui s’efforce de faire l’Italie prussienne, qui prodigue ses admirations à M. de Bismarck, qui laisse éclater en toute occasion la plus ridicule haine contre la France. C’est le libéralisme modéré, le libéralisme représenté par le ministère et par la majorité du parlement, qui garde ses sympathies pour la France, qui s’affligeait, il y a quelque temps, de ces indéfinissables nuages interposés un instant entre les deux pays, qui regarde aujourd’hui comme une victoire l’aplanissement de toutes les petites difficultés de ces derniers mois, le rapprochement des deux nations, des deux gouvernemens dans une cordiale et honorable intelligence. Malgré tout, malgré les excitations des esprits excentriques en Italie comme en France, c’est là le vrai penchant comme c’est le véritable intérêt des deux peuples. Que le prince Humbert aille servir de parrain à un enfant de l’héritier de la couronne de Prusse, cela ne change rien à la politique. Au fond, les sympathies pour la France sont toujours vivantes au-delà des Alpes, elles ne demandent pas mieux que de s’attester, pourvu qu’on ne se donne point ici la vaine et dangereuse satisfaction de renouveler trop souvent les pétitions pour le rétablissement du pouvoir temporel du pape.

Qu’on laisse donc un libre cours à ces sentimens naturels qui doivent peu à peu reprendre leur empire dans les affaires des deux pays, et qui trouvaient récemment une expression aussi juste que sérieuse dans un des principaux journaux de la péninsule, dans l’Opinione, cet organe des tendances modérées et sensées de l’Italie. Qu’on cesse de faire de la politique avec des mots qui sont quelquefois blessans et qui ne prouvent rien, qui ne conduisent surtout à rien, si ce n’est à raviver perpétuellement des susceptibilités qu’il faudrait éteindre.

Quant à nous, il y a peu de temps nous ne pouvions lire sans une certaine émotion un petit livre qui a paru à Florence sous le simple titre de Souvenirs de 1870-1871, et où l’auteur, qui est un jeune homme, M. Edmondo de Amicis, reproduit les impressions qu’il a ressenties, au courant de cette néfaste année de guerre, pour la France couverte de sang et de deuil, pour notre armée. Sous le coup du désastre de