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en France, c’est que la loi de 1870 sur l’éducation a puissamment contribué chez nos voisins à désagréger le grand parti libéral. Aux dernières élections, les non-conformists avaient donné comme un seul homme pour assurer une forte majorité au ministère Gladstone. Aujourd’hui ils se plaignent de ce qu’on s’est servi d’eux pour escalader le pouvoir, et qu’une fois sur la brèche on a repoussé l’échelle. Ils espèrent encore en M. Gladstone, mais ils ont perdu toute confiance en M. Forster, le chef du département de l’éducation. M. Forster se vante de descendre d’une famille de puritains ; c’est un orateur de talent qui est sorti des rangs du parti radical ; ses anciens alliés l’accusent d’avoir battu en retraite et de les avoir abandonnés depuis qu’il est au pouvoir[1]. Les dissidens sont assez forts dans le pays pour renverser le cabinet ; mais ils sont trop faibles pour constituer un autre gouvernement. On se demande alors ce qu’ils gagneraient à se séparer d’un ministère libéral. « Nous y gagnerons, répondent-ils fièrement, de rester fidèles à nos principes : mieux valent des ennemis avoués que de perfides amis. » Ce n’est point le lieu d’examiner si cette politique est habile et si elle ne prépare pas en Angleterre le triomphe des tories. A en croire les dissidens, les libéraux s’amollissent au pouvoir et se retrempent sur les bancs de l’opposition. Les non-conformists combattent surtout la loi de 1870 au nom de la liberté et de l’égalité religieuses. Ils accusent M. Forster d’avoir voulu coudre des lambeaux de cléricalisme au vêtement des idées modernes. Selon eux, la politique du gouvernement, en confiant l’éducation des enfans du peuple au clergé de l’église d’Angleterre et de l’église de Rome, viole les droits de la conscience. Aussi le meeting en appelait à tous les dissidens du royaume pour ne point accepter de candidats qui ne s’engageassent avant les élections à réclamer un nouvel examen de l’education act. Il faut que le gouvernement lui-même ait compris le danger, car dans la séance du 23 avril, à la chambre des communes, M. Forster promit de modifier un des articles de la loi dénoncé par M. Chandlish comme particulièrement odieux aux non-conformistes. Un membre de la droite, M. Collins, avait pourtant soutenu que, si l’article était retranché, c’en serait fait de l’éducation religieuse dans les écoles anglaises.

Le système d’instruction publique voté en 1870 par le parlement

  1. Dans une visite à Bradford, M. Forster fut blâmé et désavoué par ses commettans eux-mêmes. On lui reprocha sa conduite dans la discussion de la loi. Comme la plupart des hommes d’état anglais, M. Forster s’en tira avec dignité. « Si vous ne voulez plus de moi, dites-le, s’écria-t-il ; faites-le-moi savoir avant les élections, et votre vieux serviteur ira chercher avec regret un autre maître. « Il parlait naturellement d’un autre collège électoral, constituency.