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n’en voudrions pour preuve que cette même destruction du tombeau de Dagobert. Faut-il croire le commissaire de la convention, plutôt intéressé à atténuer les faits, ou bien un témoin qui a pour être cru toute autorité et qui se tait sur ce fait ? Nous trouvons, dans la description des monumens du moyen âge qui avaient été transportés de Saint-Denis, due à Alexandre Lenoir, que le vol fut le mobile d’une telle dégradation. Les violateurs brisèrent la statue et le cercueil, croyant qu’il renfermait un trésor ; mais des ossemens enveloppés d’un suaire furent tout ce qui s’offrit à leur cupidité. Le même écrivain nous renseigne sur l’importance de ce tombeau : il datait du temps de saint Louis, l’ancien tombeau ayant été détruit à l’époque où les Normands ravagèrent une partie de la France. Louis IX avait élevé à son prédécesseur une chapelle sépulcrale à la suite des réparations qu’il fit faire dans l’abbaye de Saint-Denis, après la mort de l’abbé Suger, et à la sollicitation de Blanche, sa mère. Le corps de Dagobert, échappé à la destruction, avait été placé au milieu de la chapelle dans un sarcophage. Il y avait donc là sous le double rapport de l’archéologie et de l’art une valeur véritable.

On ne saurait, on le voit, exonérer la convention de toute responsabilité dans la destruction des objets d’art et de luxe. Elle demeure responsable de cette affaire des tombes royales, véritable attentat contre l’histoire, répudiation folle dans le fond, odieuse dans la forme, d’un passé qui n’avait pas été sans gloire. La royauté soumise à ces outrages posthumes représentait la France formée, agrandie, quelquefois même par la main de ceux qu’on nommait les mauvais princes. Cette responsabilité existe encore dans un autre acte, l’accueil fait aux adresses injurieuses pour la religion, aux offrandes burlesques de châsses, surplis, croix, dépouilles des églises. Les bandes qui les apportèrent reçurent les honneurs de la séance.

Voyons maintenant ce qu’il faut penser de ce qu’on appelle les mesures préservatrices des monumens et des arts. Nous consentons à en faire honneur à la convention, mais sous réserve ; le mérite en revient surtout à certains comités et à un petit nombre d’hommes auxquels l’histoire rendra justice plus encore qu’elle ne semble l’avoir fait. La masse de l’assemblée ne pouvait guère ressentir une grande douleur des injures qui s’adressaient à des souvenirs qu’elle détestait et à des monumens qu’elle n’appréciait guère. Les comités spéciaux, et d’abord le comité d’instruction publique, stimulèrent cette inaction et l’empêchèrent de tourner trop souvent en complicité. Ce fut leur mérite. Ce fut celui de l’assemblée de les avoir nommés et de faire droit à leurs réclamations. Eux seuls