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s’est dénouée par le triomphe des plus violens, des communistes sur les modérés, les mutuellistes. C’était inévitable. M. Ducarre montre d’une façon singulièrement nette et saisissante ce qu’il y avait de fatal dans cette transformation ou dans cette déviation. Les ouvriers français qui allaient à Londres signer le traité d’alliance de l’Internationale pouvaient se faire l’illusion qu’ils défendaient leurs intérêts et qu’ils gagneraient au contrat ; ils ne défendaient rien, et ils livraient la France.


« Ils avaient en face d’eux, dit M. Ducarre, des théoriciens, des communistes anglais et allemands qui, eux, avaient un autre objectif et qui se disaient : Nos théories ne peuvent se réaliser dans les contrées que nous habitons parce que la vie y est réglée depuis des siècles dans des conditions d’harmonie qui ne permettent pas de tenter une pareille aventure ; mais le pays, la terre promise de toutes les expérimentations, le terrain périodique de toutes les révolutions, c’est la France… Avec leur imagination hardie, avec leur activité de tempérament, les Français expérimentent et tentent toutes les aventures. Ils viennent à nous d’eux-mêmes, profilons-en, et, sous le couvert de ce traité qu’ils consentent avec nous, nous les chargerons d’expérimenter sous notre direction, sous notre impulsion, l’essai de nos théories communistes, l’essai socialiste. C’est la France qui sera le terrain de nos expérimentations… »


Voilà la vérité, et les internationaux français sont devenus les instrumens des révolutionnaires étrangers, et tout ce qui s’est produit en France d’essais d’organisation ouvrière, de fédérations, de grèves, a tendu au même résultat, n’a fait qu’accélérer le mouvement excité du dehors par les congrès, surexcité et fortifié à l’intérieur par les lois sur les coalitions, sur les réunions publiques. D’un autre côté, les procès engagés à une certaine heure par le gouvernement sont venus achever de dégager l’élément anarchique en poussant de plus en plus l’Internationale dans la voie révolutionnaire. « Alors, dit M. Héligon, est venu l’élément blanquiste. Tous les étudians fruits secs du quartier latin, tous les rédacteurs de petits journaux qui ne demandaient que cela pour arriver à quelque chose, sont accourus… » Comment s’est accomplie l’alliance ? « Je vais vous le dire, répond M. Fribourg. On a conclu l’alliance en 1867 au congrès de Genève. L’alliance conclue, on vint à Paris, on prit part, à raison de cette alliance, à la manifestation en l’honneur de Baudin au cimetière Montmartre, à celle du boulevard, et en échange le parti révolutionnaire bourgeois s’engagea à étudier les questions sociales… » Dès lors tout était fini, l’Internationale n’était qu’une force disponible de plus dans un mouvement