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achevé le psaume de cette marche-là? Luther supposa que ces psaumes étaient chantés pour ainsi dire dans le chœur, c’est-à-dire dans une enceinte plus élevée que celle qui était réservée à la multitude. Calvin pencha pour une interprétation purement musicale comme s’il s’était agi de les chanter sur un ton plus haut. L’explication à laquelle M. Reuss donne la préférence se recommande par sa couleur locale. Le mot mahaloth, au singulier mahalah, signifie l’action de monter. Or, quand il était question de se rendre dans la capitale juive, le terme usité était « monter à Jérusalem. » Cette manière de dire provenait de ce que cette ville était située sur une hauteur. Les psaumes de mahaloth seraient donc en réalité des « chants de la montée » vers Jérusalem. Depuis le retour de l’exil, les pèlerinages annuels à l’occasion des grandes fêtes juives amenaient périodiquement à Jérusalem des caravanes de pieux adorateurs. Nous trouvons au psaume 68 une description prise sur le vif de ces cortèges qui montaient solennellement vers la ville sainte. Les chefs de ces caravanes, guides spirituels à la fois et conducteurs, devaient entretenir pendant cette longue route la ferveur religieuse des pèlerins, et rien ne pouvait les mieux servir qu’un petit recueil portatif de cantiques, tenant dans un léger tube de tôle ou de cuir, et dont le chant charmait les lenteurs du voyage en même temps qu’il alimentait la pieuse ardeur. De nombreux détails, qu’il sera facile de relever dans le cadre même des Chants de la montée, s’accordent parfaitement avec cette explication.

L’église catholique a mis aussi à part un certain nombre de psaumes juifs pour en faire de petits recueils servant à des usages liturgiques. C’est ainsi que sept psaumes ont été spécialement consacrés à l’expression du repentir, et ont reçu le nom de Psaumes pénitentiaux[1].

Le livre des psaumes présente donc toutes les apparences d’un répertoire des chants religieux de la nation juive rassemblé en vue des besoins liturgiques des synagogues et précédé par des groupemens antérieurs de moindre étendue, qu’il réunit définitivement. Cette manière d’opérer suppose aussi que ce qui détermina le choix des collecteurs, ce fut la popularité déjà acquise par certains chants, et cette popularité à son tour ne peut avoir d’autres causes que le charme poétique de ces compositions pieuses, conformes d’ailleurs avec les croyances, les sentimens et les passions du peuple dont elles sollicitaient l’adoption. Cependant il ne faudrait pas s’imaginer que la valeur poétique du recueil soit la même d’un bout à l’autre. Si les psaumes renferment des beautés de premier ordre, il en est qui sont faibles de forme et de pensée, qui ressemblent à des chapelets de

  1. Ce sont les psaumes 6, 32, 38, 51 (le Miserere), 102, 130 (le De profundis), 143.