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Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 12.djvu/253

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M. Canizzaro, M. Palmieri, M. Amari, M. Fiorelli, M. Imbriani, M. Conestabile, M. Raina, M. Salinas, M. Pitre, ne pouvait manquer d’être fructueux. Le vénérable doyen de la philosophie italienne, M. Mamiani, présidait à tout avec sa haute tolérance, son esprit large et conciliant. La présence du prince Humbert et celle de M. Bonghi, ministre de l’instruction publique, contribuaient à une œuvre non moins utile que celle de la science, à une œuvre de bonne politique et de bonne administration.

Un des motifs, en effet, qui avaient porté à choisir Palerme pour siège du congrès national de la science italienne était une idée de concorde et d’apaisement. Depuis plusieurs années, la Sicile était froissée ; elle se croyait délaissée du reste de l’Italie, prétendait ne pas avoir sa part dans la répartition des faveurs nationales. La loi d’exception récemment votée semblait présenter la province à laquelle elle s’appliquait comme un pays barbare et en dehors du droit commun. Or, comme tous les insulaires, les Siciliens sont très patriotes, et, comme tous les patriotes, ils sont susceptibles. Le regret d’être peu visités, la persuasion qu’on n’attribuait pas à la Sicile dans le présent et dans le passé la place qu’elle mérite, leur avaient inspiré quelque chose du sentiment de l’enfant qui se prétend dans la famille moins aimé que les autres. Il ne fallait, pour faire tomber ces préventions parfois injustes, qu’un acte de courtoisie. Le congrès, et surtout le voyage du prince Humbert, guérirent toutes les meurtrissures. Ce mouvement, cet aliment à la curiosité, ces visites des principaux personnages de l’état, furent d’un effet excellent. Les provinces voisines de Palerme voulurent avoir leur part ; on leur promit le ministre et les scienziati. Elles témoignèrent par les sacrifices qu’elles s’imposèrent pour les recevoir le prix qu’elles attachaient à une pareille faveur.

Tel qu’il nous fut donné de l’étudier dans ces circonstances avantageuses pour tout voir, le caractère sicilien se révéla à nous comme un fait singulièrement tranché et avec une rare puissance d’individualité. On a souvent dit que les insulaires forment, par le seul fait de leur situation géographique et indépendamment de la race, une catégorie dans l’espèce humaine. Cela est très vrai. Ces frontières, les plus naturelles de toutes, inspirent un patriotisme intense, opposent nettement l’indigène au reste du monde, créent une histoire à part. En apparence, il n’y a pas de peuple plus mêlé que celui de Sicile. Anciens Sicanes, Grecs, Phéniciens et Carthaginois, Romains, Byzantins, Arabes, Normands, Français, Allemands, Espagnols, Napolitains, tout est venu s’y confondre. Malgré cette diversité d’origine, l’unité du caractère national est parfaite ; nulle part la fusion des races n’a été plus absolue. Quelques familles