Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 12.djvu/422

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

haut du trône impérial revendiquer sur les pays slaves leurs droits de souveraineté.

Par une fortune extraordinaire, les obstacles qui se dressaient devant le Brandebourg furent successivement écartés. Le saint-empire succomba dans la lutte qu’il engagea contre la papauté; au lendemain de sa chute, la féodalité, dont il couvrait les progrès d’un voile transparent, apparut dans la plénitude de sa force, et l’Allemagne ne fut plus qu’une confédération anarchique de principautés. Avant l’empire, le duché de Saxe avait disparu, ne laissant qu’un nom et un souvenir. Ce duché, qui s’étendait du Rhin à l’Elbe, était le plus redoutable adversaire du Brandebourg. Au temps d’Albert l’Ours, Henri le Lion y régnait : il était duc de Bavière et possédait des fiefs considérables en Italie ; sa principauté s’étendait de la Baltique à l’Adriatique. Pour l’agrandir encore, il avait porté la guerre sur la rive droite de l’Elbe, soumis les Obotrites, et appelé tant de colons dans leur pays que l’immigration allemande noya ce qui subsistait de la population slave. Les ducs de Poméranie et de Rügen reconnaissaient la suzeraineté « du prince des princes du pays, » comme l’appelle un vieux chroniqueur, de celui « qui courbait le front des révoltés, brisait leurs forteresses et faisait la paix sur la terre ; » mais un si grand état debout au milieu de l’Allemagne, déjà morcelée par la féodalité, s’accroissant tous les jours de la dépouille des faibles qu’il opprimait, provoqua une formidable coalition et fut brisé. La Bavière fut détachée de la Saxe, et la Saxe morcelée en une quantité de petits fiefs laïques et ecclésiastiques et en villes libres; du même coup, ses entreprises sur le pays transalbin s’arrêtèrent, et une grande place devint vacante à la frontière orientale de l’Allemagne.

Cette place fut prise non par l’archevêché de Magdebourg, ni par la marche de Misnie, mais par la marche de Brandebourg. Une série de furieux combats, où les archevêques et les margraves se rencontrèrent à plusieurs reprises les armes à la main, délivra la Marche de la rivalité de l’archevêché. Enfin les désordres qui troublèrent, au milieu du XIIIe siècle, la puissante famille des Wettin, margraves de Misnie et de Lusace, landgraves de Thuringe et palatins de Saxe, permirent aux Ascaniens de mettre la main sur la Lusace, et même, pour un temps, sur la Misnie. Chute de l’empire, affaiblissement des Wettin, destruction du duché de Saxe, toutes ces ruines profitèrent donc au Brandebourg; il devint le seul gardien de la frontière, le principal adversaire du Danemark et de la Pologne, les deux états étrangers qui pouvaient disputer à l’Allemagne la conquête du pays wende.

Le Danemark et la Pologne ont tous les deux une histoire tragique au moyen âge ; tantôt redoutables et tantôt méprisés, ils connaissent