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Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 12.djvu/542

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leur flotte marchande, mal protégée par une marine désorganisée, fut capturée par les Hollandais. D’une fortune énorme, il ne resta au quatrième Courten, né en 1642, qu’une assez large aisance, et encore pour fuir les poursuites des créanciers de son père lui fallut-il d’abord vivre sur le continent sous un nom supposé ; mais cet exil développa chez lui des goûts qui devaient profiter à son pays. Il passa sa jeunesse à Montpellier et y revint dans son âge mûr ; il y étudia les sciences naturelles, et s’y lia avec Locke et Tournefort. Il parcourut la France, l’Italie, l’Allemagne, et tira parti de cette existence errante pour se composer une collection des plus variées. Les suites de minéraux, de plantes, d’animaux empaillés et d’ouvrages à figures y occupaient la place principale ; mais il y avait aussi tableaux et dessins de maîtres, monnaies antiques et modernes, belles médailles de la renaissance.

Les livres et les objets précieux n’aiment point à être logés en garni ; pour que vraiment on en jouisse, il faut que chacun d’eux ait sa place choisie avec goût, à portée de l’œil et de la main, dans une pièce dont on a soi-même réglé toute la disposition. Courten revint donc à Londres en 1684, et, toujours sous le nom de Charlton, s’installa dans un vaste appartement d’Essex Court, Middle Temple. Son musée, nous dit-on, y occupait dix salles. Parmi les gens de bon ton, il fut bientôt de mode d’aller le visiter : Courten en faisait les honneurs en homme qui avait vécu dans la meilleure société de France et d’Italie. Les mémoires du temps, entre autres ceux de John Evelyn et de John Thoresby, nous ont conservé le souvenir de plusieurs de ces visites. Les curieux, les dames de la cour passaient là quelques heures agréables ; quant aux savans, ils obtenaient aisément la permission d’y travailler tout à leur aise. Courten mourut en 1702 ; il léguait son cabinet au docteur Hans Sloane, dont il avait fait la connaissance à Montpellier, et dont les voyages et l’amitié avaient enrichi ses herbiers et ses vitrines de plus d’un précieux échantillon.

Né en 1660, Sloane était d’origine écossaise. Il manifesta dès sa première jeunesse un penchant des plus marqués pour les sciences naturelles ; après avoir commencé ses études de médecine à Londres, il alla les achever à Paris et à Montpellier. Quand il rentra en Angleterre, à vingt-quatre ans, sa réputation l’y avait déjà précédé ; l’année suivante, il était nommé membre de la Société royale, que l’on pourrait comparer à notre Académie des Sciences. Le duc d’Albemarle, gouverneur des Antilles anglaises, l’y emmena comme médecin ; il y resta deux ans, et profita de ce séjour afin de réunir les matériaux de plusieurs grands ouvrages scientifiques et d’une galerie d’histoire naturelle. Celle-ci s’accrut rapidement, grâce à la