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une faible quote-part, les départemens et l’état lui-même se chargeant du reste. L’intérêt qu’avaient les contribuables des petites paroisses à diminuer un fardeau qui pesait directement sur leurs épaules va s’affaiblissant à mesure que ce fardeau se confond et se délaie pour ainsi dire dans la masse noire de l’impôt. Alors aussi on est plus frappé des inconvéniens des procédés primitifs en usage pour rechercher la paternité, on écoute plus volontiers les réclamations et les plaintes des personnages respectables que ces méthodes sommaires et imparfaites plongent dans une inquiétude légitime, et ton se décide a en tarir la source : on interdit la recherche de la paternité ; mais qu’advient-il des enfans abandonnés sous ce nouveau régime ? En se chargeant libéralement de leur destinée, l’administration de l’assistance publique s’acquitte-t-elle à leur égard de ses devoirs de tutelle de manière à ne laisser regretter ni à eux ni à la société elle-même l’ancien régime ? Sur ce point, l’histoire et la statistique des enfans naturels peuvent faire concevoir des doutes.

Nous sommes tout d’abord frappés de ce fait attristant, que le nombre des infanticides n’a point cessé de s’accroître en France depuis le commencement du siècle. De 1826 à 1853, il a été de 3,671, ou de 131 par année ; de 1854 à 1870, il est de 3,437, soit de 203 par an. En même temps, on remarque que le nombre des enfans naturels mort-nés s’élève à 8,02 pour 100, tandis que celui des enfans légitimes n’est que de 4,03 pour 100. D’un autre côté, le nombre des enfans trouvés et abandonnés, qui était de 40,000 en 1788, montait à 55,700 en 1810, à 84,500 en 1815, à 97,900 en 1818, à 111,400 en 1823, à 131,000 en 1833 ; depuis cette époque, la suppression des tours a fait abaisser ce chiffre d’environ un vingtième : il était de 125,977 en 1861 ; mais, comme on vient de le voir, les infanticides n’ont pas suivi ce mouvement de décroissance. Quelle est la proportion des enfans naturels dans ce troupeau infortuné des enfans dits assistés ? La statistique officielle ne nous la fait point connaître d’une manière précise ; elle nous apprend seulement que les orphelins, enfans légitimes pour la plupart, n’y figurent que pour environ 9 pour 100. Enfin nous savons qu’on compte en moyenne 75,000 enfans naturels sur 1 million de naissances annuelles, qu’un tiers de ce nombre est reconnu par la mère et un quatorzième seulement par le père, ce qui laisse un total annuel de 50,000 enfans naturels non reconnus, absolument dépourvus d’état civil, et qui n’ont en grande majorité d’autre tutrice et d’autre nourricière que l’administration de l’assistance publique. C’est à elle que revient l’obligation de les recueillir, de les nourrir et de les élever de manière à en faire autant que possible des citoyens