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non plus opposés, mais alternes ; les nouvelles feuilles, alternes aussi, ne sont plus ovales, elles sont allongées et courbées en faux ; elles ne sont plus glauques, mais d’un vert pâle ; au lieu d’être sessiles, elles se balancent au gré du vent sur de grêles pétioles ; le facies, de myrtoïde qu’il était, est devenu celui d’un saule, tendance fréquente chez les arbres de la région australienne tout entière, et qui imprime aux formes végétales des familles les plus diverses une teinte générale de monotone uniformité. Frondaison grêle, claire, pâle, pleureuse, quant à la direction des rameaux, sèche et souvent coriace comme texture, tamisant abondamment la lumière, mélancolique en somme dès que l’éclat des fleurs vient à lui faire défaut : tel est le caractère bien connu de cette végétation arborescente, dont les acacia et les eucalyptus par leur nombre et leur fréquence constituent le fonds principal.

L’eucalyptus globulus se présente sous deux aspects bien tranchés. La forme infantile, où les feuilles sont opposées et sessiles, est en quelque sorte un état de larve, c’est l’âge où la plante n’est pas encore apte à fleurir ; l’état adulte, où les feuilles sont alternes ou pétiolées, est en même temps l’état parfait, caractérisé par la présence des fleurs et des fruits. Il ne faudrait pourtant pas, en abusant des analogies, comparer ce dimorphisme de l’eucalyptus aux métamorphoses que subissent les insectes, à celle par exemple qui fait passer le même lépidoptère par les formes de chenille, de chrysalide et de papillon. Dans ce dernier cas, c’est l’individu lui-même qui se dépouille d’enveloppes successives et se montre avec des formes nouvelles, résultat d’un travail interne et de modifications des mêmes organes ; chez l’eucalyptus, il n’y a pas, à vrai dire, de métamorphose, on constate seulement l’apparition de nouveaux organes surajoutés aux anciens : pour mieux dire, l’arbre représentant non pas un individu, mais un assemblage d’élémens foliaires (les phytons de Gaudichaud)[1], chacun de ces élémens successifs peut avoir sa forme propre, indépendante de la forme des élémens qui l’ont précédé ou qui le suivront. Les rapports ou les différences de

  1. J’entends ici par phyton l’élément végétal dont la partie inférieure ou tigellaire (hypophylle), fondue dans l’axe (rameau) avec les hypophylles des autres phytons, se termine extérieurement par la feuille proprement dite (pétiole et limbe), c’est-à-dire par ce que la plupart des botanistes appellent appendice ou phylle. Il va sans dire d’après cela que ce phyton peut être cotylédon, ou feuille, ou bractée, ou sépale, ou pétale, ou étamine, ou carpelle, suivant les régions de l’axe de la plante où il se trouve. Cette manière de représenter, au point de vue purement morphologique, l’être complexe et multiple appelé vulgairement un pied de plante, n’implique d’ailleurs de ma part aucune adhésion à la partie anatomique et physiologique de la théorie de Gaudichaud, notamment à son idée que les fibres ligneuses descendent, des feuilles pour constituer le nouveau bois.