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étaient assurés. Ces braves voisins insistèrent tellement que monsieur dut céder pour n’être pas ridicule dans son caprice et inhumain pour sa jeune femme, condamnée à faire deux lieues à pied pour aller coucher sur la paille à Flamarande. On s’empila donc dans la voiture des Léville, la nôtre suivit de loin, au pas. Nous rentrâmes à Montesparre six heures après l’avoir quitté.

XI.

Nous trouvâmes la baronne toute seule. Ses hôtes étaient partis pour la chasse, et ne devaient rentrer qu’à la nuit. Elle s’empressa de réinstaller la comtesse dans son appartement, et, comme je défaisais la malle de monsieur dans le petit salon, j’entendis qu’il disait à la baronne : — Comment ! tout le monde vous a quittée aujourd’hui, même Salcède ?

— Même Salcède, répondit-elle. Il voulait bien me tenir compagnie ; mais depuis quelques jours il a de violons maux de tête, et je l’ai forcé d’aller avec les autres. Que voulez-vous ? il est habitué à vivre au grand air, nos salons l’étouffent.

On dîna donc avec les Léville, et on se retira de bonne heure sans attendre les chasseurs, qui avaient annoncé vouloir dîner chez l’un de ces messieurs ; peut-être même ne rentreraient-ils que le lendemain. Ils avaient bien recommandé qu’on ne les attendît pas plus tard que dix heures. À onze heures, personne n’étant rentré, on ferma les portes. Mme de Flamarande, très fatiguée, s’était couchée ; monsieur, très agité, restait au salon avec Mme la baronne. J’attendais, seul dans l’antichambre, qu’il se retirât et m’envoyât dormir, lorsque je crus entendre sonner à la grille. Je m’y rendis après quelque hésitation, n’étant pas sûr de ne m’être pas trompé. — Restez tranquille, me dit le jardinier, qui faisait office de concierge, je ne dormais pas ; c’est M. de Salcède qui vient de rentrer. Les autres ne rentreront pas ce soir ; on peut dormir.

Je m’étonnais de ne pas m’être croisé avec M. de Salcède, puisqu’il demeurait dans le corps de logis où étaient le salon et les appartemens de la baronne. Je jugeai qu’il avait pris par le parterre, et que j’allais entendre sa voix dans le salon. Il n’y était pas. Je me dis encore qu’il s’était peut-être un peu exalté dans cette partie de garçons, et qu’il avait été droit à son lit, sans vouloir se montrer. Un quart d’heure après, M. le comte quittait la baronne et me disait : — Je n’ai besoin de rien. — Personne n’est rentré ? me demanda la baronne. — Je répondis que M. de Salcède était rentré seul.