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après, en 1834, un nouveau gouverneur, sir Benjamin Durban, arrivait, ayant pour instruction d’abolir l’esclavage et de traiter les natifs avec humanité. A peine était-il installé, que les Cafres se ruèrent, au nombre de 20,000, sur les districts occupés par les Européens, brûlant les habitations, massacrant les colons, enlevant tout ce qu’ils trouvaient à leur convenance. Le châtiment ne se fit pas attendre. Il n’y avait que 800 hommes de troupes de ce côté ; mais on proclama la loi martiale, on arma les fermiers suivant l’ancien usage. Comme conséquence de la victoire, le gouvernement s’annexa une partie du territoire envahi, et par précaution il y appela des indigènes, les Fingoes, qui s’étaient montrés hostiles aux Cafres. Cependant de si graves désordres appelaient l’attention du parlement. La philanthropie triomphait alors en Angleterre. On avait aboli l’esclavage dans toutes les possessions de la Grande-Bretagne ; le ministre des colonies, lord Glenelg, partageait les idées humanitaires de Wilberforce. Stockenstrom, interrogé par un nouveau comité d’enquête, n’avait pas dissimulé que la férocité des indigènes s’expliquait par les mauvais traitemens dont ils avaient été victimes. Sous cette impression, lord Glenelg écrivit à sir B. Durban une dépêche qui était la condamnation de la politique suivie jusqu’alors. « L’attitude que les colons et les autorités coloniales ont eue envers les indigènes depuis de longues années justifie les Cafres de s’être lancés dans une guerre avec une si fatale imprudence. Ils peuvent avoir l’habitude, je n’en doute pas, de tracasser les Européens par leurs déprédations ; mais, expulsés des terrains qu’ils possédaient légitimement de toute antiquité, confinés en de trop étroites limites où les pâturages manquent à leurs troupeaux, poussés au désespoir par les injustices systématiques dont ils ont été victimes, je conclus à regret qu’ils avaient parfaitement le droit d’essayer, même sans espoir, si la force leur procurerait les dédommagemens qu’ils ne pouvaient obtenir autrement. »

On admire souvent le rapide essor des colonies anglaises. On doit convenir que, si les dépêches de ce genre sont fréquentes dans leur histoire administrative, il faut faire honneur de leurs progrès plutôt à l’intrépidité ou à l’intelligence des émigrans qu’à la sagesse du gouvernement métropolitain. Ces sentimentalités solennelles ne pouvaient tomber plus mal à propos. Les habitans de la frontière avaient beaucoup souffert, un grand nombre étaient ruinés soit par la guerre, soit par l’affranchissement de leurs esclaves ; ils s’attendaient à recevoir sinon des secours pour relever leurs maisons en ruine, au moins quelques témoignages de sympathie. Le courrier d’Angleterre ne leur apportait que des reproches. Bien plus, M. Stockenstrom, après s’être fait en cette circonstance l’avocat des natifs