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nouvelles conditions, et saisit alors, dans la voix, des relations qui lui avaient échappé tout d’abord.

L’obligation où l’on se trouve de coller contre son oreille le téléphone par lequel on reçoit une correspondance montre qu’il faut recourir à des moyens spéciaux pour avertir son interlocuteur. Le plus simple consiste à compléter l’installation d’un téléphone par celle d’une sonnerie électrique ordinaire fonctionnant à l’aide d’une pile. Il suffit alors de prévenir par un coup de timbre la personne avec laquelle on désire correspondre ; celle-ci porte aussitôt l’instrument à son oreille, et la conversation commence.

Comme deux et même trois ou quatre téléphones peuvent fonctionner simultanément sous l’influence d’un seul appareil transmetteur, il est également convenable d’établir deux téléphones par station. Au moment de communiquer, chaque interlocuteur porte un des appareils devant sa bouche et l’autre à son oreille ; il est ainsi assuré de recevoir sans exception tous les mots qui lui sont adressés, puisqu’il évite de cette manière la perte de temps causée par le transport d’un seul instrument de la bouche à l’oreille.

Le principal défaut du téléphone de Bell consiste dans son extrême sensibilité. Il subit l’influence de courans si faibles que les dépêches passant sur des fils télégraphiques voisins de celui qui le dessert sont toutes ensemble répétées par le téléphone. On sait en effet que les courans électriques font naître dans des circuits voisins du leur ce qu’on appelle des courans induits. Ces courans induits sont en général trop peu intenses pour exercer un trouble appréciable sur les appareils de la télégraphie ordinaire ; mais il n’en est pas de même avec l’instrument de Bell. Quand le fil conducteur du téléphone n’est pas distant de plusieurs mètres des autres fils de ligne, chaque courant émis dans ces fils étrangers donne naissance à un son très net dans l’appareil. Cette propriété, nuisible la plupart du temps, pourrait dans certains cas devenir très précieuse. Supposons qu’en temps de guerre l’ennemi se serve pour ses communications télégraphiques d’un fil passant à proximité d’un autre fil dont on puisse disposer ; il suffira d’installer un téléphone sur ce dernier, et l’on pourra entendre distinctement quels sont les signes de l’alphabet Morse envoyés sur la première ligne. Comme le personnel de la télégraphie militaire sait parfaitement comprendre une dépêche au seul bruit de la manipulation, la correspondance ennemie sera ainsi surprise. On pourrait d’ailleurs opérer sur une ligne occupée par les communications ordinaires pour correspondre au moyen du téléphone, puisque les courans qu’il émet sont beaucoup trop faibles pour exercer une perturbation quelconque sur les autres appareils en service. La perturbation agirait au contraire dans l’autre sens, si bien qu’on serait obligé pour se parler de profiter des périodes de repos du service courant.