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comme tous leurs coreligionnaires d’Afrique et d’Asie, l’influence des énergumènes qui prêchaient la guerre sainte. Il est certain qu’il y eut alors chez eux beaucoup d’agitation. Une prophétesse leur annonça qu’une ère nouvelle allait s’ouvrir à jour donné, que les Européens seraient tous exterminés, que pour mériter les faveurs que l’avenir leur réservait, il fallait détruire leurs provisions, sacrifier leur bétail, ne rien conserver que des chevaux, des armes et des munitions. Toute la tribu des Galekas se laissa prendre à cette tromperie. Il est vraisemblable que la prophétesse était inspirée par des meneurs qui comptaient entraîner à une guerre d’extermination des hommes dénués de toutes ressources. Sir George Grey, bien renseigné sur ce qui se passait, s’était mis en mesure d’étouffer tout mouvement insurrectionnel. La frontière était garnie de troupes. Des magasins avaient été préparés pour secourir les plus malheureux. Lorsque les insurgés, sous la conduite de leur chef Kreli, voulurent se rapprocher des stations européennes, ils rencontrèrent une résistance qui les obligea de se réfugier dans les montagnes. Beaucoup y périrent, d’autres se dispersèrent. Des Hottentots fidèles reçurent les terres qu’ils abandonnaient. Ce fut le dernier effort des Cafres contre la colonisation européenne. Depuis vingt ans que ceci s’est passé, on n’a plus entendu parler d’insurrection, sauf en ces dernières semaines.

On loue très haut les mérites d’un gouverneur qui écrase les indigènes dans une bataille. La politique prudente de sir G. Grey qui triomphait sans combat est préférable. Néanmoins la conduite qu’il avait tenue en cette circonstance fut blâmée par quelques-uns. Le parlement du Cap lui reprocha d’avoir employé les forces de la colonie pour une expédition, même pacifique, au-delà de la frontière. Jusqu’alors il n’y avait guère eu de désaccord entre lui et les assemblées élues, parce qu’il allait volontiers de l’avant, ce qui ne déplaisait pas aux colons, entreprenans par caractère. Mais ce qui plaisait à ceux-ci n’était pas toujours goûté par le cabinet britannique. On en eut bientôt la preuve. Les autorités de l’état libre d’Orange, que le voisinage des natifs inquiétait aussi et qui le plus souvent n’étaient pas de force à leur tenir tête, proposèrent de conclure avec les provinces du Cap une alliance dont la conséquence presque immédiate eût été une sorte de fédération entre la colonie anglaise et les boers dissidens.

La question était épineuse. L’abandon par la couronne d’Angleterre des provinces situées au nord de l’Orange avait précédé l’établissement du régime représentatif. Comme cela s’était fait à l’insu des colons, pour mieux dire contre leur avis, il était présumable qu’ils se prononceraient en faveur de l’union. Sir G. Grey ne pouvait