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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 25.djvu/410

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pas bien fondées. Avec un grand esprit d’impartialité et le sentiment des périls que l’on courait, Lansdowne rappela à la tribune des lords des précédens qui ne permettaient pas de se montrer si pointilleux sur l’exécution de certaines conditions, comme l’évacuation de la Suisse, et il conjura le ministère de se montrer conciliant, de ne pas négliger les rudes leçons de la guerre d’Amérique et de ne recourir à la fortune des armes qu’à la dernière extrémité. Mais tout fut inutile, le sort en était jeté ; la guerre fut déclarée et le grand ministre de la guerre, Pitt, remonta aux affaires. Lansdowne assista à ces événemens avec un déplaisir voisin du désespoir. Les infirmités de l’âge le saisirent ; il ne quitta plus son château de Bowood, et il s’éteignit le 7 mai 1805.


V

Avant de nous séparer du marquis de Lansdowne, pour fixer dans notre mémoire le souvenir de cet homme d’état si discuté, il ne sera pas inutile de suspendre dans la galerie des grands ministres ces deux esquisses qui nous le montrent sous un jour bien différent, mais qui toutes deux le font vivre devant nous et l’arrachent à l’ombre où tout se confond et s’oublie. L’un de ces portraits est fait de main d’ouvrier et les couleurs ont un éclat qui éblouit, c’est celui que Walpole nous offre dans son journal. Mais je crains un peu qu’il ne soit le fait d’un de ces hommes qui voient gros et rouge, qui se plaisent à rendre certains traits, à les mettre en relief, sans souci de saisir l’ensemble de la physionomie et du caractère, et affectent de négliger ces teintes nuancées et ces lignes ondoyantes qui nous garantissent la ressemblance avec l’original. L’autre, plus sobre de ton, moins brillant, plus équitable dans sa modération et sans doute plus exact, est d’un sage, de Bentham. Le lecteur appréciera lequel a le mieux rendu le modèle, et l’attrait de cette comparaison conservera peut-être encore des sympathies moins éphémères à un homme qui a pu inspirer des sentimens si contraires. « La fausseté de Shelburne était si constante, si notoire, que c’était sa profession bien plus que son instrument. Il faisait songer à ces violons en effigie qui sont peints sur l’enseigne d’une boutique pour indiquer l’espèce de marchandise qu’on y débite, un de ces violons qu’on ne peut prendre pour en tirer quelques sons. Son caractère était moins un artifice qu’une habitude. Ses sourires étaient, comme la sonnerie du serpent, un avertissement avant la morsure. Il était si amoureux de dissimulation qu’on eût dit qu’il en était l’inventeur, et il la pratiquait sans précaution comme si personne au monde n’en avait surpris le secret. Il