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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 25.djvu/722

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sentir, et c’est ainsi qu’on a bientôt renoncé à tous ces moyens imaginés pour le combat. Le fameux comité des dix-huit a disparu de lui-même, on n’a plus parlé de lui. Le budget qu’on menaçait de disputer pied à pied, douzième par douzième, on le discute et on le vote aujourd’hui, au pas de course, sans difficulté. C’est l’effet naturel et salutaire de ce retour à un régime régulier qui s’est accompli au milieu du mois dernier.

Oui, sans doute, des jours plus calmes sont revenus. On a cessé de redouter le lendemain, on se complaît dans une victoire qui a peut-être d’autant plus de saveur qu’elle a été dure à obtenir. De toutes parts l’apaisement est comme le mot d’ordre d’une situation nouvelle ; il y a pour le moins, une certaine bonne volonté et, si l’on veut, une certaine fatuité de sagesse. La question est justement de ne pas trop se payer de mots et de complimens, de garder cette modération dans la pratique des choses, de ne pas recommencer des fautes qu’on a durement expiées, de ne point abuser enfin de la puissance d’une majorité qui est la première intéressée à se contenir elle-même. Que le ministère, qui a l’appui et la confiance de cette majorité, poursuive les réparations, les changemens qu’il juge nécessaires dans les sphères de l’administration publique où l’esprit de parti a pénétré, qu’il cherche à effacer par une amnistie la trace des 3,000 procès qui ont été faits pendant quelques mois, rien de mieux. Le ministère n’a point certainement cherché à éluder cette partie du programme de la dernière victoire parlementaire, il l’a exécutée, il l’exécute chaque jour largement, spontanément, et on peut ajouter librement. En dehors de ce qui est essentiel et de ce que le gouvernement seul peut faire avec autorité parce qu’il le fera avec maturité, il faut bien se dire que les impatiences, les excentricités, les représailles, les pressions de parti, les prétentions exclusives ne seraient encore une fois que les signes d’une politique stérilement agitatrice, d’une incurable incohérence. On veut « s’établir sur le terrain conquis, s’imprimer à la république nouvelle le caractère d’un régime sérieux fait pour durer, pour protéger toutes les sécurités et tous les intérêts : la première condition est d’agir comme de vrais politiques, de savoir résister aux tentations et de ne pas retomber sans cesses dans les mêmes pièges.

Un de ces pièges pour le moment, c’est cette vérification des pouvoirs qui prend décidément dans nos nouvelles habitudes parlementaires une importance aussi imprévue que singulière et dont on se fait un inextricable embarras. Une première fois, l’an passé, la chambre sortie des élections de 1876 était entrée dans la voie des épurations rigoureuses ; la chambre nouvelle s’y précipite aujourd’hui avec impétuosité, avec le ressentiment mal apaisé des luttes récentes. Déjà plus de vingt élections ont été annulées. Chaque jour on invalide, et il y a