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trois-mâts mixte, c’est-à-dire à voile et à vapeur, construit sur le système et d’après les plans de M. Le Barazer, partait du port Saint-Nicolas du Louvre pour le Japon. Ce navire avait reçu de plusieurs grandes maisons de Paris un plein chargement pour ce voyage. La maison Jappy, qui fabrique en gros des objets de quincaillerie, avait contribué pour une bonne part à cet affrètement. La traversée s’effectua par le cap de Bonne-Espérance, car le canal de Suez n’était pas encore ouvert, et l’arrivée eut lieu heureusement à Yokohama. De ce port, le navire releva pour la rade chinoise de Hong-Kong, et revint de Hong-Kong à Paris par le canal de Suez, après un an d’absence.

L’expérience, qui avait si bien réussi, fut renouvelée plusieurs fois, et pendant six ans le navire Paris-Port-de-Mer montra tour à tour son pavillon dans le golfe du Mexique et sur les côtes du Brésil et de La Plata, franchissant la barre de Tampico ou celle de Rio-Grande-du-Sud, abordant la petite rade de Buenos-Ayres, doublant même le cap Horn. Il était dès lors démontré que Paris pouvait, comme un véritable port de mer, expédier directement sur tous les points du globe ses produits manufacturés, et recevoir en retour les matières premières nécessaires à son industrie et à sa consommation. Un jour, en 1875, le Paris-Port-de-Mer se perdit. Hélas ! c’est le sort de beaucoup de navires de finir ainsi par un naufrage ; mais l’idée du promoteur hardi, patient et convaincu de cette navigation nouvelle a été reprise par ses successeurs naturels. Sa veuve, son fils, n’ont jamais douté un moment du succès définitif, et il est à penser que l’entreprise triomphera. On parle en ce moment de créer ainsi un service direct, régulier, entre Paris et Buenos-Ayres. On éviterait par là, en France, les frais de transport de Paris au, Havre et ceux de transbordement ; en Amérique, les frais de transbordement de la grande dans la petite rade de Buenos-Ayres. Les transactions actuelles entre les deux places de Buenos-Ayres et de Paris sont annuellement de plus de 30,000 tonnes, ce qui permettrait d’alimenter cette navigation directe avec la certitude d’un bénéfice très rémunérateur. Les navires, en fer et à hélice, seraient munis d’une machine de 80 chevaux, les mâts articulés, pour passer, aisément sous tous les ponts de la Seine, et une bonne voilure permettrait d’utiliser tous les courans de l’atmosphère, surtout dans les régions des vents alises. La jauge de chaque navire serait calculée de façon à pouvoir porter commodément 500 tonnes de marchandises, et le voyage d’aller, de Paris à Buenos-Ayres, pourrait être effectué en 40 jours. Le retour s’accomplirait dans le même espace de temps.

Le littoral de la Manche, entre l’embouchure de la Seine et celle de la Somme, est occupé par des ports de mer, dont la plupart sont