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Il y a là un vice à détruire. Il faut ennoblir les études commerciales, il faut leur faire la place qui leur convient à notre époque, et alors on ne verra pas nos négocians eux-mêmes s’étudier à donner à leurs fils une autre carrière que la leur ; car c’est aussi pour nous une cause d’infériorité à l’égard de l’étranger, que bien peu de parens consentent à faire suivre à leurs enfans la carrière paternelle, surtout dans le négoce et la banque. Il n’en est pas de même en Angleterre, où l’on voit beaucoup de maisons vieilles d’un siècle et plus, qui passent de père en fils et sont fières de leur ancienneté. Peut-être, dans tout le commerce de Paris, aurait-on de la peine à relever plusieurs exemples de ce genre. Il est vrai que l’égalité des partages a été chez nous une cause de la ruine, ou tout au moins de la disparition de beaucoup de grandes maisons de commerce. Il faut en faire son deuil, car sur ce point il n’y a pas à revenir. En Angleterre, les cadets n’attendent rien de l’héritage paternel et cherchent à faire fortune dans les affaires. En Allemagne, où la noblesse occupe presque toutes les fonctions de l’état, les bourgeois se font banquiers ou commerçans. Chez nous, rien de tout cela, et c’est à qui aura une place du gouvernement. On aime mieux gagner peu à ne rien faire, que de tenter la fortune par de virils efforts.

Notre commerce, notre marine marchande se plaignent, et depuis bien longtemps. Les causes que nous venons de rappeler entrent pour beaucoup dans leurs souffrances, on oublie généralement de les invoquer. Ces causes ne disparaîtront que par le vouloir énergique des intéressés. Qu’y a-t-il encore ? Nous ne voyageons pas volontiers, nous ne nous déplaçons pas aisément pour aller étudier les besoins, les habitudes des peuples étrangers. Il était question il y a trois ans d’installer des chambres de commerce françaises au dehors, à New-York, à la Nouvelle-Orléans, à San-Francisco, à Rio-Janeiro, à Valparaiso, dans l’Inde, en Chine, au Japon, et d’indiquer par leurs moyens à nos négocians indigènes les objets que ces pays réclament de préférence. Le ministre qui avait eu cette idée entendait favoriser ainsi et diriger en quelque sorte notre commerce d’exportation. C’est fort bien ; mais outre que, dans quelques cas, on aurait eu de la peine à trouver un nombre suffisant de négocians français expatriés pour en composer ces chambres de commerce lointaines, il faut reconnaître aussi que les armateurs de Londres, de Liverpool, d’Anvers, de Hambourg, n’ont pas besoin qu’on leur dise quelles sont les marchandises qui manquent à l’étranger. Ils le savent, ils vont, s’il le faut, s’en enquérir sur place par eux-mêmes, et ne font pas comme ce négociant de Paris qui avait un jour expédié un chargement de parapluies à Lima, et attendait un grand profit de la vente de cet article. Or il ne pleut jamais dans cette région du Pérou. On pourrait citer beaucoup