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bonnes lois, et celles qui y sont contraires sont de mauvaises lois. C’est là le droit, c’est-à-dire le droit chemin, la voie la plus courte et la meilleure vers la perfection. Cet ordre n’est évidemment pas le même pour tous les temps et pour tous les peuples. Un régime excellent pour des hommes civilisés conduirait des sauvages à leur perte. C’est au savant à découvrir le droit et au législateur à le proclamer. Prétendre que le législateur crée le droit, c’est dire que l’homme crée la vérité. Si la propriété privée est la forme la plus favorable à la liberté et au bien-être de l’homme, il faut que la loi l’établisse. Si un autre mode de possession était plus avantageux, c’est celui-là qu’il faudrait adopter. Quand on cherche la vraie base des institutions, il ne suffit donc pas d’invoquer les lois qui les créent, il faut remonter aux raisons qui font que ces lois sont justes et bonnes.

Nous venons de passer rapidement en revue les cinq principales théories concernant l’origine de la propriété. Toutes, dans ce qu’elles ont de fondé, reposent en définitive sur des considérations de l’ordre économique. Au fond, les motifs qui légitiment la propriété privée sont bien simples. En premier lieu, il est juste de récompenser la peine et les sacrifices de l’individu en lui attribuant les fruits de son travail ; en second lieu, accorder à une personne la disposition exclusive des objets produits par elle, et même d’une partie du sol, est le meilleur moyen de la porter à produire le plus possible et par conséquent d’améliorer sa condition et de contribuer, pour sa part, à l’accroissement de la richesse nationale. C’est donc l’utilité économique qui est la vraie base de la propriété ; c’est elle qui détermine quels doivent en être les privilèges, les obligations et les limites. Comme l’a très bien montré M. A. Wagner, ce sont des raisons économiques qui font que les droits que confère la propriété sont plus ou moins étendus suivant qu’elle s’applique à différens objets : presque absolus quand il s’agit d’objets mobiliers, déjà limités pour la terre arable, moins complets encore pour les maisons et pour les forêts, enfin pour les mines et pour les chemins de fer très restreints par l’intervention de l’autorité publique. Où l’on voit bien apparaître le vrai fondement de la propriété, c’est dans les raisons invoquées pour établir ce droit nouveau que l’on a appelé propriété intellectuelle, droits d’auteur, d’inventeur, patentes, marques de fabrique, firmes. Deux motifs ont conduit à cette nouveauté : un motif de justice et un motif d’utilité ; Il est juste que celui qui compose un livre ou une œuvre d’art, qui invente un procédé industriel, qui fonde une maison commerciale, soit récompensé de son mérite et de ses efforts. C’est aussi le meilleur moyen de multiplier les bons livres, les bons tableaux, les inventions utiles dont profitera la société tout entière,