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MŒURS FINANCIERES
DE LA FRANCE

VI.
LE PRÊT A INTERÊT.

On surprendrait à coup sûr bien des gens si on leur affirmait que c’est une action répréhensible de tirer un intérêt de leur argent, c’est-à-dire de le prêter à la condition d’obtenir une plus-value du capital avancé, non pas même dans la proportion qu’en certains cas la loi civile qualifie d’usuraire, mais à ces taux modiques de 4 ou de 5 pour 100, appelés placemens de père de famille. L’étonnement serait bien autre si la défense s’appliquait non-seulement au contrat de prêt proprement dit, mais encore à la constitution de rentes, aux rentes sur l’état elles-mêmes, si l’on prétendait qu’il n’est pas plus permis de prêter aux gouvernemens qu’aux particuliers. Ces doctrines, qui contredisent tant nos habitudes actuelles, alors que l’existence des individus, des corporations de toute espèce, religieuses aussi bien que laïques, des états grands et petits, repose tout entière sur le prêt à intérêt, nous paraissent contraires au bon sens. Elles ont été cependant, et il n’y a pas longtemps encore, professées par l’église catholique avec une rigueur heureusement adoucie : de son côté l’école socialiste se les est appropriées, et, dans la guerre au capital, c’est l’intérêt à lui payer qui a été le plus combattu. Sans entrer dans l’examen approfondi de théories à peu près abandonnées, il n’est pas inutile de les rappeler, d’en exposer les termes, ne fût-ce que pour signaler le changement considérable apporté dans les mœurs financières de