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lité. Ce qui est le plus probable et le plus désirable, c’est que de cette réunion de vieux chefs de l’église il sorte un pape modéré, prudent, assez pénétré de l’état du monde, des intérêts du catholicisme lui-même, pour ne pas jeter des difficultés nouvelles dans une situation déjà fort laborieuse et passablement précaire. Le nouveau pontife protestera contre la dépossession de la papauté temporelle, c’est vraisemblable et inévitable, puisqu’il y a des protestations traditionnelles au Vatican, puisque récemment encore le dernier secrétaire d’état, le cardinal Simeoni, protestait à l’occasion de l’avènement du roi Humbert. On fera des réserves, et, en définitive, rien n’empêche que les rapports avec l’Italie ne restent dans les termes d’une coexistence supportable. Selon toute apparence, il n’y aura pas plus de rupture éclatante que de réconciliation complète, ostensible. L’essentiel est qu’il y ait une sorte d’indépendance mutuelle acceptée et reconnue. Le nouveau pape lui-même est intéressé à ne rien précipiter, à ne rien compromettre ? Moins engagé que son prédécesseur, il peut se prêter à des combinaisons toutes pratiques de nature à créer par degrés un ordre à peu près régulier. L’Italie, elle aussi, est intéressée à tout faciliter dans la mesure des obligations qu’elle a prises, à ne rien faire par exemple qui dût fatalement provoquer le départ du chef de la catholicité en lui rendant le séjour de Rome intolérable. Elle est la première à le sentir, et le cabinet du Quirinal s’est hâté de réprimer ou de décourager des manifestations qui commençaient à se produire contre la loi des garanties. Qui gagnerait à ces extrémités, à ces scissions aggravées, à ces recrudescences de guerre ? Ce ne serait qu’un piège pour la papauté, un péril pour l’Italie, un embarras de plus pour les puissances catholiques dont le seul intérêt est l’indépendance de l’autorité spirituelle du chef de l’église. Le conclave, qui va se réunir, peut attester de la manière la plus utile cette indépendance par la liberté de ses délibérations et de son choix, en donnant au successeur de Pie IX une mission d’apaisement, non une mission de guerre et d’agitation religieuse. Nous n’avons pas besoin d’un conflit de plus.

Pour le moment, tandis que ces questions en sont encore à se débattre à Rome entre quelques vieux prêtres, l’Europe est assez occupée de ces affaires d’Orient qui s’aggravent de jour en jour, qui semblent désormais arrivées au point où il faut de toute nécessité un prompt dénoûment. Est-ce la paix qui se prépare dans le mystère des négociations ? Est-ce au contraire le commencement d’une série de complications bien plus vastes, bien plus redoutables, destinées à entraîner par degrés toutes les politiques, toutes les puissances ? Voilà la question qui, dans ces dernières semaines s’est assez envenimée pour tout dominer et tout éclipser. Une certaine obscurité, habilement prolongée, continue sans doute à régner sur la situation réelle des choses en Orient,