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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 43.djvu/431

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département ; mais la justice criminelle ne souffre pas de telles lenteurs. Le procureur de la république et le juge d’instruction, qui doivent l’un et l’autre se transporter sans retard sur le lieu du crime, pourront-ils arriver à temps ? Ne parlez pas ici de déplacer le justiciable. Ni l’incendiaire ni l’assassin n’ont l’habitude d’aller chercher la justice. Il faut de toute nécessité qu’elle apparaisse promptement au milieu de populations terrifiées par le crime et qu’un magistrat dirige les recherches. C’est une première satisfaction accordée à la vindicte publique : ce n’est pas la moins vive. Un juge de paix n’aurait pas, dans l’état de nos mœurs, la même action. Il faut la double impulsion du chef du parquet et du juge. En l’éloignant, n’en doutez pas, vous affaiblissez la répression pénale.

Ainsi les obstacles s’accumulent devant la réforme : embarras politiques et sociaux, difficultés judiciaires, tout se mêle, tout s’unit pour rendre impossible la suppression des tribunaux. Et pourtant leur utilité ne répond pas au nombre des magistrats qu’ils retiennent dans la petite ville. Il faut donc à la fois les conserver pour les besoins des justiciables, les supprimer dans l’intérêt des juges. Comment concilier ces deux nécessités qui s’imposent à titre égal au législateur ? Ce problème n’est pas insoluble. Il existe un moyen de maintenir le tribunal d’arrondissement en lui enlevant le personnel oisif.

En examinant la constitution d’un tribunal, on distingue les magistrats dont les fonctions sont pour ainsi dire intermittentes et ceux dont la présence permanente est indispensable. Le procureur de la république doit être présent pour recevoir les plaintes, le juge d’instruction pour les instruire, le président pour le service des référés et des ordonnances. En dehors de ces trois magistrats, les autres juges sont libres de travailler dans leur cabinet ou de vaquer à leurs affaires privées, quand l’audience ne les réclame pas, c’est-à-dire cinq jours sur sept dans les tribunaux peu occupés. Or les trois magistrats nécessaires peuvent être réduits à deux. Rien ne serait plus simple que de donner au juge d’instruction le droit de rendre les ordonnances sur requête et sur référé. Qui ne sait que dès à présent le président qui s’absente lui délègue sans inconvénient ce pouvoir ? Ainsi chaque arrondissement conserverait, avec deux magistrats résidens, toutes les fonctions indispensables aux parties en cas d’urgence ; rien ne serait changé à la police judiciaire, à l’instruction criminelle ; aucun intérêt civil ne serait atteint.

Comment le tribunal ainsi mutilé pourrait-il tenir ses audiences ? On sait que les audiences des petits tribunaux sont aussi courtes que rares. Deux ou trois par semaine figurent sur les registres des greniers. Une audience, deux tout au plus, si elles étaient bien