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Missions temporaires, comme celles de Champollion et de Lepsius, que les questions d’argent et de santé finissent toujours par abréger, malgré tout le zèle du chef et de ses collaborateurs, avant que la moisson soit complète ; ce que l’on proposait, c’était une exploration méthodique, collective et successive, qui se poursuivrait à loisir, d’année en armée, par les soins d’un personnel renouvelé périodiquement et par là même mis à l’abri de toute fatigue et de toute défaillance. La division et la continuité du travail permettraient peut-être, à la longue, d’aboutir à la publication intégrale de tous les documens hiéroglyphiques que renferme le musée de Boulaq ou qui subsistent encore sur les parois des tombeaux et des temples de L’Égypte et de la Nubie ; il n’est rien, on le sait, que désirent plus vivement tous les égyptologues, qui se trouvent arrêtés à chaque instant par le manque de textes. À lui seul, ce recueil, ce Corpus, comme on dit à l’Académie des inscriptions, serait déjà un service capital rendu à la science ; mais l’activité des membres de la nouvelle école ne devrait pas se borner à ces transcriptions. Si les circonstances les favorisaient, ils entreprendraient des fouilles ; avec quelle attention patiente ils les conduiraient, avec quel désintéressement, avec quelle crainte scrupuleuse de rien négliger qui pût fournir à l’histoire un renseignement de quelque importance !

Ces considérations et ces espérances firent sentir l’opportunité d’une prompte décision. Si l’on voulait tenter l’expérience, il convenait de ne pas perdre le temps en délibérations et en préparatifs. ; on avait des raisons de se hâter. Il n’y avait d’ailleurs pas à hésiter sur le choix de l’homme qui serait chargé de donner un corps à cette pensée : le jeune chef de notre école d’égyptologie, M. Gaston Maspero, professeur au Collège de France et à l’École des hautes études, était naturellement désigné. Lui non plus ne balança pas ; en quelques semaines il eut fermé ses malles et choisi ceux qui seraient appelés à l’honneur de faire la première campagne, sous ses ordres et à ses côtés. C’est un artiste distingué, M. J. Bourgoin, qui sera le dessinateur de l’expédition, le Nestor Lhôte du successeur de Champollion. Il a déjà habité l’Égypte et reproduit beaucoup de ses monumens ; son crayon souple et fin sait rendre avec la même sincérité toute une longue série d’hiéroglyphes et le réalisme expressif des figures de l’ancien empire, ou la fière noblesse d’une statue royale des Thoutmès et des Ramsès. Ce sont enfin trois élèves de l’École des hautes études, qui ont déjà fait leurs preuves sous les yeux de leur maître. MM. Maspero et Bourgoin sont partis les premiers, en décembre ; avant la fin. de janvier, leurs soldats ont dû rallier le drapeau. C’est maintenant au gouvernement