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pas moins réelles et auxquelles tout parti catholique se heurterait forcément à l’entrée du Monte-Citorio. Supposons le moment de l’action venu : le Vatican a laissé tomber son veto, les catholiques, encouragés par la bénédiction pontificale, sont accourus aux urnes. Supposons, ce qui n’est pas certain, que, dans cette arène plus large, ils aient remporté les mêmes succès que dans l’étroite enceinte des villes et des provinces. Imaginons-les un instant victorieux, en majorité dans la chambre, ou bien tenant la balance entre les radicaux, enclins à la république, et les défenseurs de la royauté constitutionnelle. A quel usage emploieraient-ils leurs forces ? Quelles offres ou quelles conditions pourraient-ils faire à la monarchie ? A quel prix pourraient-ils lui promettre leur concours et que feraient-ils du pouvoir si, d’accord avec les rêves du père Curci, ils parvenaient à mettre légalement la main sur les institutions tant vilipendées en leur nom ? — C’est au moment où ils seraient à l’œuvre, revêtus du mandat de législateurs, au moment surtout où ils seraient vainqueurs, ou en passe de le devenir, que surgiraient devant eux toutes les difficultés de leur tâche ; qu’ils se verraient exposés à tous les malentendus, à toutes les suspicions et, en même temps, à toutes les divisions et les scissions, car bien peu parmi eux oseraient songer à restaurer la monarchie pontificale.

Une chose qui nous frappe d’abord, c’est la situation toute particulière où se trouverait, en Italie, un parti parlementaire catholique, à la façon de la droite belge ou du centre allemand. Vis-à-vis du chef de l’église, comme vis-à-vis de la nation, une droite « cléricale » serait dans des conditions d’existence et de lutte tout autres que les partis analogues en n’importe quel autre pays. Ailleurs, ce que leurs adversaires reprochent sans cesse aux défenseurs de l’église, aux catholiques qui inscrivent leur foi sur leur drapeau politique, c’est d’être les sujets d’une autorité étrangère, les soldats d’un souverain du dehors. Au sud des Alpes, leur patriotisme serait en butte à un soupçon plus grave encore et bien fait pour la badaude crédulité publique, au soupçon d’être les agens d’un ennemi de l’état, les champions d’un adversaire de l’intégrité et de l’indépendance nationales. Ce grief fondamental, que leurs ennemis politiques auraient trop d’intérêt à exploiter pour leur permettre de s’en disculper aisément, les catholiques, il est vrai, pourraient plus ou moins s’en défendre en donnant leur adhésion à l’unité de la péninsule et à la monarchie constitutionnelle. Il est une accusation, au contraire, qu’en Italie, un parti strictement catholique aurait peine à repousser sans se renier lui-même ; ce serait sa docilité vis-à-vis de l’église, sa dépendance directe du souverain pontife. Cette dépendance, partout plus ou moins sérieusement