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billets pour la diligence de Bruxelles et nous nous sommes engagés à partir mardi. En trente-six heures nous serons à Bruxelles. »


« 7 octobre, de Bruxelles.

« Nous sommes donc partis le 2 octobre, à sept heures du matin ; nous étions seuls l’un et l’autre dans le coupé. C’est un grand plaisir pour moi, et dont je suis fort reconnaissant à Cousin, qu’il ait bien voulu partir avec moi. Je suis las de voyager avec des étrangers. »


« 12 octobre.

« L’ami Cousin ne pouvait rien faire pour moi de plus agréable que de m’accompagner à Cologne. Sans cela j’aurais pris le bateau à Rotterdam, et je serais allé par mer à Hambourg. — En bavardant, mangeant et buvant (car aucune de ces trois occupations ne nous a fait défaut), nous avons fait un tour charmant et des plus agréables, et j’en serai toujours reconnaissant envers Cousin, pour lequel j’ai pris plus d’affection que jamais. »


Lorsque Hegel écrivait cette dernière lettre, la séparation avait eu lieu, et on voit combien jusqu’au dernier jour, Hegel avait été satisfait de son ami. Dans la lettre qu’il lui écrivit quelque temps après, son retour (mars 1828), il rappelle « les agréables souvenirs que lui a laissés, son séjour à Paris et le voyage au Rhin ; » il se loue encore de son ami, « des agrémens et de l’hilarité que son esprit, sa gaîté, sa bonne humeur a répandus partout. »

Nous sommes ainsi amené à parler du commerce de lettres qui a existé entre Cousin et Hegel, commerce, à la vérité, assez intermittent, comme il arrive entre savans très occupés de part et d’autre, mais qui est sur un ton de cordialité et de sympathie réciproques, rare entre deux hommes d’âge si différent et séparés par la nationalité et par la langue. La correspondance est en français. Cousin ne savait pas assez l’allemand pour écrire dans cette langue ; Hegel, au contraire, maniait la langue française d’une manière quelquefois pénible, mais souvent heureuse et originale. M. Rosenkranz, dans sa Biographie de Hegel, a déjà donné, quelques extraits des lettres de Cousin ; mais nous devons à une confiance obligeante et généreuse la communication de la correspondance entière[1].

  1. M. Karl Hegel, fils du philosophe et professeur d’histoire à l’université d’Erlangen, a bien voulu nous communiquer les lettres originales de Victor Cousin et nous en à laisser prendre copie. M. Barthélémy Saint-Hilaire nous a confié également les lettres de Hegel. Nous les prions ici l’un et l’autre de vouloir bien agréer tous nos remercîmens.