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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 61.djvu/645

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« Je vous prie de faire parvenir mes remercîmens à M. Guigniaut… C’est sans doute à votre amitié que je dois cette bienveillance, dont j’ai été vivement touché ; le travail de M. G… a fait un livre de l’ouvrage de M. Creuser, et en outre de ce mérite de la réfusion (sic), il l’a enrichi tellement par son érudition et par les développemens des idées, que je ne connaisse (sic) pas d’ouvrage qui puisse donner une idée plus nette et en même temps plus richement développée des religions ; aucun, surtout, qui me pourrait être plus commode pour l’espèce de mes études. » Viennent ensuite quelques appréciations et nouvelles politiques : « La marche publique de vos affaires a pris une couleur très décidément uniforme, de manière que je m’étonne même de la modération du parti dominant ; si, pour des cas particuliers concernant la liberté de la presse, il a succombé dans une cour de justice, il a pris non-seulement sa revanche dans la chambre, mais d’une manière qui cause mon étonnement qu’il s’est contenté d’une telle mesquinerie. Pour nous, nous allons notre train ordinaire que vous connaissez ; une lettre qui commence à circuler en copie et qui a été écrite par notre roi, de sa propre main, à sa sœur (naturelle), la duchesse d’Anhalt-Cöthen, lors de sa conversion à la religion catholique, en compagnie de son mari le duc, — très forte et très développée, — ferait un contraste singulier, si elle allait être imprimée, avec vos processions jubiliaires de Paris. »


La réponse de Victor Cousin est des plus intéressantes, et c’est même la plus intéressante du recueil. Il y exprime nettement la pensée d’introduire la philosophie allemande en France, mais en la proportionnant au tempérament français. Ce qui prouve l’importance de cette lettre aux yeux mêmes de Cousin, c’est qu’il en avait gardé copie ; elle existe à la fois en Allemagne et à Paris. M. Rosenkranz en a déjà donné un passage écourté dans sa Vie de Hegel ; nous le donnons ici tout entier :


« Je vous ai envoyé mes Fragmens, c’est-à-dire la Préface, qui seule est lisible, et sur laquelle seule je sollicite et j’attends votre opinion motivée. C’est un compte-rendu de mes essais en philosophie de 1815 à 1819. Descendez un peu des hauteurs et donnez-moi la main. Il y a quatre points dans ce petit écrit : 1° la méthode ; 2° l’application à la conscience, ou la psychologie ; 3° le passage de la psychologie à l’ontologie ; 4° quelques tentatives d’un système historique. Laissez tomber de votre bonne tête quelque chose sur ces quatre points. Soyez d’autant plus impitoyable que, déterminé à être utile à mon pays, je me permettrai toujours de modifier sur les besoins de l’état, tel quel, de ce pauvre pays, les