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leur côté. La jeune mariée rentre dans l’appartement des femmes, et le mari reste avec les hommes dans les chambres extérieures, où il fête de son mieux ses amis. Et c’est tout : le mariage est conclu. Le jour de la noce, la jeune femme doit montrer la plus grande réserve dans ses paroles. Sur l’estrade elle n’a pas dit un mot, et le soir, dans la chambre nuptiale, l’étiquette lui commande de garder le silence le plus absolu. Le jeune marié l’accable de questions, de complimens ; elle doit rester muette, impassible comme une statue. Assise dans un coin, revêtue d’autant de robes qu’elle peut en porter, elle attend que son époux la déshabille, si cela peut toutefois être agréable à ce dernier, mais tout en se gardant bien d’y aider elle-même. Les Coréens ont le droit d’avoir autant de concubines qu’ils peuvent en entretenir, et ils ne s’en privent pas si leur femme légitime n’est pas de leur goût. Se contenter d’une femme serait d’ailleurs de mauvais ton.

Le divorce est en usage. Lorsqu’une femme s’enfuit de la maison conjugale, le mari, s’il peut découvrir sa retraite, la fait enlever et conduire devant le juge, et celui-ci, un mandarin, après avoir fait administrer une bastonnade à la fugitive, la donne à l’un de ses valets.

Dans toutes les classes de la société, la principale occupation des femmes est d’élever leurs enfans, ou plutôt de les nourrir. L’allaitement artificiel est inconnu. Si elles n’ont qu’un garçon ou qu’une fille, elles donnent le sein à leur bébé jusqu’à l’âge de sept ou huit ans. « Cela se fait publiquement et personne ne s’en scandalise ! » s’écrie un missionnaire. Qu’y a-t-il donc de scandaleux à cela ? L’éducation du reste exige peu de soins. Elle consiste à faire toutes les volontés de l’enfant, surtout si c’est un fils, à se plier à tous ses caprices, à rire de ses défauts, sans jamais les corriger.

Les femmes nobles ne font absolument rien, mais celles du peuple ont une rude besogne. Elles doivent préparer les alimens, confectionner les toiles, faire les habits, les laver, les blanchir, entretenir toute la maison, et, de plus, l’été, aider leurs maris dans tous les travaux des champs. Les hommes travaillent au temps des semailles et de la moisson, mais en hiver ils se reposent. Leur seule occupation alors est d’aller dans les montagnes couper le bois, qui est partout abondant. Le reste de leur temps se passe à jouer, à fumer, à faire des visites ou à dormir.

Un veuf peut se remarier après un deuil très court. Les femmes, surtout celles des hautes classes, doivent pleurer leur mari toute leur vie. Il en résulte ceci : c’est que les jeunes veuves, ne se remariant pas, deviennent presque forcément les concubines de ceux qui peuvent les entretenir. On voit aussi de jeunes veuves se donner la mort après les funérailles de leurs époux, soit pour prouver leur