Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 72.djvu/200

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

crédit, sans provisions, dans un pays ruiné, il ne savait plus comment entretenir son armée. Philippe, qui vivait dans un rêve, lui écrivait de faire lever le siège de Paris, de prendre et de garder Calais et Boulogne ; il se décida enfin à envoyer quelque argent, et Farnèse dut se résoudre à partir. « Votre Majesté, écrivait-il, me demande des choses impossibles, car Dieu seul peut faire des miracles. Elle suppose qu’avec le peu d’argent qu’elle m’a envoyé, je peux satisfaire tous les soldats qui servent dans ses provinces, en finir avec les mutins espagnols et allemands, donner de l’or à Mayenne et aux Parisiens, payer les Allemands et m’assurer des places maritimes. La pauvreté, le mécontentement, le désespoir de ce malheureux pays ont été si souvent dépeints à Votre Majesté que je n’ai rien à ajouter. « Farnèse rappelait au roi que tout était dévasté autour de Paris ; il quitta pourtant les Pays-Bas avec 12,000 hommes de pied et 3,000 chevaux au commencement du mois d’août. Il emmenait avec lui toute la grande noblesse belge. L’avant-garde était commandée par le marquis de Renty ; Farnèse avait la bataille, et l’arrière-garde était confiée à La Motte. On resta huit jours à Valenciennes, puis l’armée se rendit par Guise et Soissons à Meaux, où elle fit sa jonction le 22 août avec Mayenne, qui avait encore 6,000 hommes d’infanterie.

A Meaux, le duc de Parme lança une déclaration dans laquelle il affirmait qu’il ne prétendait faire aucune conquête, mais qu’il venait simplement secourir la cause catholique. De Meaux, l’armée alla à Chelles. A son approche, Henri IV fut contraint de lever le siège de Paris ; il ne pouvait, avec 6,000 hommes d’infanterie et 5,000 chevaux, ce qui était le montant de ses forces, laisser un rideau de troupes suffisant autour de la capitale et courir les risques d’une bataille rangée. Il garda pourtant Corbeil et Lagny, qui étaient les clés du passage de la Marne et de la Seine. Il était résolu à chercher Farnèse et à s’essayer contre lui. « Le roi quitte ses lignes, dit le duc d’Aumale dans son Histoire des princes de Condé, et marche au-devant de Farnèse ; l’escarmouche s’engage près de Claye : l’ennemi semble avoir accepté la bataille pour le lendemain ; tout était prévu pour la livrer. Mais le duc de Parme, dérobant sa marche, file entre la Marne et les hauteurs, et tandis que son adversaire, après l’avoir attendu dans la plaine, se heurte au camp retranché où il a laissé une partie de son armée, Farnèse enlève le poste important de Lagny (5 et 6 septembre) : le blocus de Paris est levé, et le secours de Paris est assuré. »

Pendant sept jours entiers, les deux ennemis avaient été en présence l’un de l’autre, dans leurs lignes. Henri IV avait envoyé un héraut d’armes à Farnèse pour l’inviter à la bataille ; le duc de