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Garrau dans une lettre à Carnot. Qu’on me guillotine et que la Vendée soit détruite ! » « J’applaudis à ton activité, écrivait Francastel à Grignon. Tu feras trembler ainsi tous les brigands, auxquels il ne faut pas faire quartier. Nos prisons en regorgent. Des prisonniers en Vendée ! .. L’ordre générale été donné d’incendier tous les fours et les moulins, d’abord, puis toutes les maisons isolées, surtout les châteaux ; enfin d’achever la transformation du pays en désert, après avoir soutiré les richesses qu’il renferme… C’est à quoi il faut s’attacher par ordre du comité de salut public. » (Archives de la guerre.) De telles instructions, on le comprend, n’étaient pas pour faciliter la tâche des chefs de corps : d’une part, elles avaient achevé d’exaspérer les rebelles et les portaient, par voie de représailles, à beaucoup d’excès. D’autre part, elles avaient eu pour effet d’aggraver encore l’indiscipline. Les troupes employées en Vendée n’avaient été, sauf les Mayençais, de première qualité. Dès le début, tout ce que l’armée comptait d’intrigans et d’aventuriers s’étaient, à la suite des Westermann et dus Ronsin, abattus sur ce malheureux pays, comme sur une proie. Les premiers, les volontaires parisiens et la trop fameuse légion germanique, avaient donné l’exemple du brigandage ; le reste avait suivi.

Après le décret du 1er août, c’avait été bien pire ; quand la convention elle-même ordonnait à ses généraux de brûler à blanc tout le pays, quelle autorité pouvait bien rester à ces mêmes généraux pour prévenir ou réprimer le pillage, et comment, quand toutes les lois de la guerre étaient violées, le code militaire eût-il été respecté ? Il n’y avait qu’un remède à cette démoralisation croissante : c’était de donner beaucoup d’occupation à la troupe et de régler tous ses mouvemens de façon que, sans être surmenée, elle fût le plus possible en activité. Muscar, dans son expérience de vieux troupier, avait de premier coup jugé la situation.

A peine arrivé, son bataillon lui avait donné de l’inquiétude : un commencement de mutinerie s’y était même déclaré, Pour réagir contre ces mauvaises dispositions, il eut soin, désormais, au lieu de le laisser dans ses cantonnemens, de lui faire battre constamment la campagne. Son commandement comprenait tout l’arrondissement du château d’O ; en quelques semaines, par une série de marches concertées avec les chefs des arrondissemens voisins, il eut balayé le pays, rétabli les communications interceptées, et dans plusieurs rencontres habilement choisies familiarisé ses hommes avec le feu.

Cependant, quelque effort qu’il fit pour se donner, comme on dit, de l’air, le cercle à peine rompu se reformait aussitôt autour de lui. Pour le briser une bonne fois, il fallait saisir l’occasion d’un