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« Dans toutes les choses du domaine de l’intelligence, dit-il, les Sakalaves n’avaient pas fait un pas… Si les uns et les autres se livrent parfois à quelque agression contre l’ennemi, ce n’est pas avec la pensée de le chasser de tel ou tel point et d’en délivrer un jour complètement le pays, mais bien dans la seule intention d’enlever des femmes, des enfans et du bétail : voilà ce qu’ils appellent faire la guerre aux Hovas. C’est, en un mot, un vrai peuple de sauvages, insouciant, mutin et pillard. Leurs sentimens envers les Hovas tiennent plutôt de la crainte que de la haine ; sans juger absolument de leur aptitude à faire la guerre, je dirai du moins que la mollesse de leur défense, quand ils sont attaqués, n’en accuse pas une bien grande. » — « Le Sakalave, dit enfin le révérend père Neyraguet[1], n’est pas méchant par caractère ; il n’est cruel que par circonstance ; c’est le seul défaut, au reste, dont je le crois exempt, car il possède énergiquement tous les autres. Fainéant, il dort la nuit et repose le jour ; cupide, il désire posséder tout ce qui flatte sa vue, et il le demande sans honte ; depuis le roi jusqu’au dernier de ses sujets, ce peuple est mendiant, et mendiant jusqu’à l’importunité. Cédez-vous à ses instances et lui accordez-vous l’objet le ses convoitises, n’attendez pas de lui un sentiment de reconnaissance : il semble que tout ce qu’on lui donne lui soit dû. Mais chez les Sakalaves, un vice qui les domine tous, un vice qui règne dans tous les rangs et dans tous les âges, c’est l’immoralité… »

On nous objectera peut-être que ces appréciations remontent déjà à une époque assez éloignée, et que les mœurs de ces indigènes ont pu se modifier à la suite de leur contact plus prolongé avec les Européens ; il n’en est rien malheureusement, et les relations les plus récentes de voyageurs, tels que M. Grandidier, nous les représentent sous les mêmes couleurs[2]. Quelque sombre que soit le tableau tracé par ces voyageurs, notre expérience personnelle nous a permis d’en reconnaître la parfaite exactitude, et nous sommes amenés à dire que, si une considération pouvait confirmer l’irrémédiable impuissance de la race noire à s’élever à un degré supérieur de l’échelle sociale, ce serait assurément le spectacle de ce peuple qui se complaît dans les ténèbres de la plus grossière ignorance, qui se fait un jeu des notions les plus élémentaires de justice et d’honnêteté, et qui ne recherche et n’apprécie d’autres satisfactions que celles que procurent le vol et le maraudage.

Il nous reste à faire justice de la légende qui nous représente les

  1. Madagascar et ses deux premiers évêques, t.1. p. 220.
  2. Voyez dans la Revue' du 15 décembre 1872, l’étude de M. Émile Blanchard sur l’île de Madagascar.