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assurèrent une victoire éclatante. Le carnage fut considérable. Un cours d’eau, l’Iao, était tellement entravé de cadavres que cette digue humaine détourna son cours. Le champ de bataille en reçut le nom de Kapaniwaï : digue des eaux. C’est aujourd’hui une des plus riches plantations de l’île.

Pendant que Kaméhaméha luttait ainsi dans l’ile de Main, une insurrection éclatait dans llavaï à la voix des partisans vaincus, mais non soumis de Kiwalao. Kiana, son lieutenant, auquel il avait confié le soin de le remplacer, tenait tête à ses ennemis avec des alternatives de succès et de revers, quand Kaméhaméha faisant force de rames vint le rejoindre et par su présence assurer la victoire. Des représailles terribles brisèrent les dernières résistances et mirent un terme à toute tentative de révolte. Rassuré de ce côté, il retourna dans Mauï, où ses guerriers essuyaient, lui absent, défaites sur défaites et en étaient réduits à se tenir sur la défensive.

Lors de la visite de Cook, en 1778, Kaméhaméha, bien jeune alors, s’était cependant rendu compte de la supériorité des étrangers sur ses compatriotes. Il devinait l’avantage qu’il y aurait pour lui à s’attacher quelques-uns de ces hommes blancs, habiles dans l’art de manier les outils, de travailler le fer et le bois, de construire des embarcations en état de tenir la nier, alors que ses pirogues de guerre étaient à la merci d’un coup de vent. Au-delà de Mauï, il rêvait la conquête d’Oahu, de Kauaï, de l’archipel entier. Comment l’entreprendre avec des pirogues creusées dans un tronc d’arbre ? Comment franchir avec ces frêles esquifs les cent lieues de mer qui le séparaient de Kauaï ?

Mouillé eu rade de Mauï, Metcalf attendait avec impatience le retour de Kaméhaméha pour obtenir de lui un chargement de bois de santal, en échange il lui apportait des outils, du fer et du cuivre, qui furent acceptés avec empressement. Mais ce que Kaméhaméha convoitait surtout, c’était une des embarcations de la goélette, que Metcalf lui promettait, mais ne se pressait pas de lui livrer. Une nuit, la veille du départ de Metcalf, Kaméhaméha donna ordre aux siens de s’en emparer par la force. Ils échouèrent, la goélette ouvrit sur eux un feu meurtrier, et Metcalf, levant l’ancre précipitamment, gagna le large, laissant une centaine de cadavres d’indigènes sur la plage et abandonnant à terre un quartier-maître de son équipage, Isaac Davis, et un matelot anglais, John Young, qui ne purent rallier le bord. Kaméhaméha les sauva de la fureur des Kanaques, les prit sous sa protection, les attacha à sa fortune par les liens de la reconnaissance, les éleva plus tard au rang de chefs et les combla d’honneurs et de bienfaits. Tous deux épousèrent des femmes