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Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 80.djvu/443

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LES DESCENDANS DES MAGES.

des outrages que journellement leur adressait la partie musulmane de la population. Il est avéré que, sans l’aide de leurs obscurs auxiliaires, jamais les Anglais ne fussent arrivés à combattre avec avantage la concurrence que leur faisaient d’autres Européens, Portugais et Hollandais, arrivés longtemps avant eux dans ces parages.

Se voyant fortement appuyés, se débarrassant peu à peu de l’humilité que leur imposait leur condition de proscrits, les Parses commencèrent bientôt à négocier pour leur propre compte, à s’adjuger certains monopoles de fabrication et à étendre au loin leurs relations. Ceux qui n’étaient pas assez riches pour avoir du crédit s’occupèrent d’agriculture et de métiers manuels. Après quelques années de patiens tâtonnemens, il fut évident que de tous les artisans hindous et mahométans, les Parses étaient les meilleurs tisserands, les potiers les plus adroits et les charpentiers les plus habiles. Les fameuses étoffes des Indes, celles dites « indiennes » de soie ou de coton, les bastas, alechas et khinkobs, sortaient de leurs manufactures et étaient vivement recherchées par toutes les personnes aimant les tissus de luxe et de riches dessins. Le peu qu’il en reste encore nous arrache des cris d’admiration.

Lorsqu’en 1735 un chantier de construction navale se créa à Bombay, ce fut une famille de Parses du nom de Wadia, d’une grande célébrité aux Indes, qui en prit la direction. Pendant plus de cent ans, elle eut le monopole de ces constructions, qui, d’années en années, finirent par former une véritable flotte représentant un capital énorme. Sur d’autres points de l’Hindoustan, leur activité fut merveilleuse. Pendant qu’à Surate ils se faisaient connaître par leurs tissus, ils transformaient la ville morte de Barotch en un second Manchester. Des plantations de coton et les manufactures qui en résultèrent enrichirent le pays. À Bombay, pas une négociation importante qui ne passât par leurs mains. Ils se firent les percepteurs des revenus du gouvernement, les entrepreneurs des monumens et des édifices. Pour étendre au loin leur influence et leur négoce, ils fondèrent des agences un peu partout : à Madras, sur la côte du Coromandel, à Java des Indes néerlandaises, à Port-Louis de l’Ile-de-France, aujourd’hui l’île Maurice. On les trouve à Aden et à Hong-Kong. Mais où leur fortune s’accroît d’une façon prodigieuse, c’est dans les rapports avec la Chine. Les exportateurs en revenaient ayant doublé, parfois, la valeur des marchandises importées. Les opiums de Bénarès et les cotonnades donnaient ces beaux résultats. Fait assez curieux : lorsque les marchandises étaient livrées aux Chinois et leur produit encaissé, les Célestes insistaient auprès de leurs vendeurs pour qu’ils allassent au plus