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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 96.djvu/322

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pour agir était passé : il est aussi inutile que puéril de vouloir courir après les occasions qu’on a manquées.

Aussi, la double déception ne se fit pas attendre. Le comte d’Harrach, malgré les bons sentimens dont il avait fait confidence à Vaulgrenant, dans son dernier entretien (et dont nous le retrouverons encore animé dans la suite de ce récit), ou n’obtint pas, ou ne demanda pas lui-même la permission de reparaître : aucune suite ne fut donnée à l’idée d’envoyer un émissaire autrichien à Paris[1].

A Berlin, Frédéric, sans refuser absolument d’interposer (si on l’en pressait) ses bons offices pour arrêter la reprise des hostilités, en offrant même à Louis XV de tâter le pouls, pour savoir s’il y avait apparence de calmer les esprits, témoigna aussi peu de désir que d’espoir de rendre son intervention efficace. A quoi il se montra moins disposé encore, ce fut à tenter un effort sérieux afin d’empêcher la nouvelle impératrice d’user de la dignité qu’il venait de lui reconnaître pour peser sur les déterminations du corps germanique. A Valori qui lui représentait qu’il y allait de son intérêt, comme de sa gloire, de ne pas laisser la nouvelle maison d’Autriche opprimer les libertés de l’Allemagne : — « Oh ! mon ami, dit-il, il faudrait pour cela que le cas se présentât, et s’il se passe quelque infraction de la cour de Vienne, mon ministre clabaudera comme les autres… » — « Enfin, il a fini par me dire, ajouta Valori, qu’il faudrait être bon pour se remettre en avant, après les orages qu’il avait essuyés, puisqu’il avait attrapé le port, et qu’il se bornerait à admirer notre gloire et à juger des coups. » En définitive, tout ce qu’il fut possible d’obtenir lut une promesse assez vague que, si la question de neutralité de l’empire était posée dans la Diète à Ratisbonne, le représentant de la Prusse voterait pour qu’elle lût maintenue[2]

Le ministre prussien à Paris, Chambrier, eut ordre de tenir, à d’Argenson lui-même, absolument le même langage. — « Pour ce qui regarde, lui écrivait le roi, les idées de M. le marquis d’Argenson touchant la guerre de négociation que je dois faire à la reine de Hongrie, vous lui direz toutes les fois qu’il vous en parlera, que je n’avais nulle envie de m’embarquer dans une guerre

  1. Le comte d’Harrach à Renaud, 22 janvier 1746. Il lui accuse réception de la communication que celui-ci a été chargé de lui faire et promet de la transmettre à Vienne, mais il ne paraît pas y avoir donné suite. (Correspondance d’Autriche. — — Ministère des affaires étrangères.)
  2. Valori à d’Argenson, 27 janvier 1746. (Correspondance de Prusse. — Ministère des affaires étrangères.) — Frédéric II à Louis XV, 6 février 1746, Pol. Corr., t. V, p. 23.