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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 96.djvu/438

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remplacer les Indiens aux mines par des nègres robustes qui végétaient sans grande utilité pour personne à Séville. Le cardinal Ximénès, à cette époque régent d’Espagne, répondit avec raison qu’il lui paraissait peu logique de soumettre les noirs aux travaux forcés pour en préserver une autre race. En 1517, Charles-Quint fut moins scrupuleux : un gentilhomme des Flandres obtint l’autorisation d’introduire 4,000 Africains à Hispaniola, aujourd’hui Saint-Domingue. Il est certain, pourtant, qu’un certain nombre de noirs avait été envoyé dans cette Ile de 1501 à 1506, avec l’étrange condition d’enseigner aux Caraïbes le catéchisme qu’ils avaient appris à Séville.

L’autorisation accordée par l’empereur Charles-Quint fut donc le point de départ du commerce des esclaves ; il doit peser sur sa mémoire et laver celle de Las Casas de l’accusation qui pesait injustement sur elle.

Lorsque les Espagnols des Antilles et du Mexique eurent constaté qu’un nègre des côtes d’Afrique faisait quatre fois le travail d’un Indien, le nègre fut très demandé. Les rois, et quelquefois même les reines d’Espagne, ont eu des favoris besogneux ; c’est donc à des hommes de cour que furent accordées les reales asientos ou royales autorisations de s’enrichir en faisant ouvertement un commerce réputé infâme aujourd’hui.

Les Portugais, les Génois, les Anglais, les Français, les Danois et les Hollandais, qui avaient également des bateaux à voile à utiliser, demandèrent à leurs gouvernemens, qui la leur accordèrent, une autorisation que l’Espagne ne refusait plus à aucun de ses voiliers. La France jeta son dévolu sur les côtes du Sénégal et de la Gambie ; les Hollandais s’installèrent dans le voisinage de cette rivière ; les Anglais, ne pouvant tout absorber, se contentèrent du littoral de la Guinée septentrionale, de la côte d’Ivoire, de la côte d’Or et des baies de Bénin et de Biafra. Les Brésiliens s’adjugèrent la Guinée, avec les ports d’Ambriz, Loanda, Benguela, Zaïre et Cabinda. Les Portugais avaient leurs établissemens dans la Guinée méridionale, aux royaumes d’Angola et de Benguela ; leur pavillon flottait encore des îles du Cap-Vert à Sierra-Leone, de l’archipel de Bissaos aux embouchures du Rio-Nunez et du Rio-Pongo. Sur la côte orientale d’Afrique, ces habiles navigateurs avaient de plus Mozambique et deux autres refuges dont les noms m’échappent. Le Portugal est de toutes les nations celle qui, assure-t-on, a prêté à la traite le plus constant appui. C’est peut-être pour cela que les Brésiliens, — des Portugais émancipés, — ont été les derniers à affranchir leurs serviteurs. La loi d’émancipation, ou la « loi dorée, » comme on l’appelle au Brésil, date en effet d’hier.